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LE TERRAIN DU NCC : L’URGENCE D’AGIR

Le mardi 18 novembre 2014, la Cour d’appel du Québec a refusé d’autoriser l’appel de l’Arrondissement Sud-ouest de la décision de la Cour supérieure autorisant la démolition de l’historique Negro Community Center dans la Petite-Bourgogne.

L’inaction de la Ville

Dans cette décision, la Cour d’appel réitère les motifs du juge de la Cour supérieure, l’honorable Luc Lefebvre, qui, dans un jugement du 14 novembre 2014, critique fortement la Ville pour son inaction dans ce dossier. Le juge Lefebvre estime que les travaux exigés par la Ville pour préserver le bâtiment n’auraient fait que « retarder la démolition ». Selon le tribunal, le coût de ces travaux s’élèverait à plusieurs centaines de milliers de dollars. Le tribunal souligne le fait que les travaux n’ont été exigés que le 14 octobre 2014 et ce, après 25 ans d’inoccupation de ce bâtiment construit en 1891. Le tribunal estime que « demander au propriétaire d’assumer seul ces coûts alors que la Ville n’a rien fait depuis 25 ans pour empêcher la dégradation de ce bâtiment qu’elle a pourtant classé « significatif », apparaît au tribunal comme une demande déraisonnable. » Lors de l’audition àla Cour supérieure, des résidants de la Petite-Bourgogne ont témoigné pour le propriétaire quant à la dangerosité du bâtiment, en appuyant sa demande de démolition.

Le Negro Community Center (NCC) a été démoli la semaine même du jugement de la Cour d’appel. Ainsi, un élément important du patrimoine de la Petite-Bourgogne a été perdu à tout jamais.

Le terrain du NCC aux mains d’une « société de portefeuille (holdings) »

La demande de démolition du Negro Community Center était logée par une compagnie à numéro, soit 9289-5929 Québec inc., elle-même étant la propriété d’une fiducie – « The Sen Trust » – qui, selon le Registre d’entreprises du Québec, est une « société de portefeuille (holdings) ». La compagnie 9289-5929 Québec inc. a acheté le terrain du Negro Community Center pour la somme de 300 001 $.

Une « société de portefeuille » ne produit pas des biens ou des services. Son seul objectif est de détenir des actions dans d’autres compagnies. Ainsi, les sociétés de portefeuille permettent à leurs actionnaires de mettre des liquidités à l’abri des éventuels poursuites, en transférant de l’argent d’une compagnie à une autre. De cette façon, on peut aussi éviter la taxation, tout en limitant les risques. Une société de portefeuille peut même prêter de l’argent à la « compagnie active » et devenir ainsi un créancier garanti.

Bref, en ce qui concerne le terrain du NCC, tout est en place pour assurer une maximisation des profits et une minimisation de risques et de taxation.

Pour l’instant, nous ignorons les dessins du propriétaire de ce terrain. Mais on peut présumer que s’il a acheté ce terrain, c’était dans le but de rentabiliser son investissement.

La position du Maire

Le maire de l’Arrondissement, monsieur Benoit Dorais, s’engage à maintenir le zonage actuel du terrain (« institutionnel, lieu de culte »), « tant que la compagnie n’aura pas un projet qui respecte la volonté de la communauté. »

Nous nous interrogeons sur les possibilités réelles d’arriver à un projet qui répond aux besoins de la communauté, tant que cette propriété est soumise aux règles d’un marché immobilier caractérisé par la spéculation qu’on connaît dans le Sud-Ouest de Montréal.

Pour protéger les droits économiques et sociaux de la communauté : une réserve foncière

Les tribunaux ont dénoncé l’inaction dela Ville, mais, il n’est pas trop tard pour la Ville d’agir. Nous avons perdu une partie de notre patrimoine, mais ce terrain pourrait encore servir les besoins sociaux et économiques de la communauté.

L’imposition d’une réserve foncière permettrait de soustraire ce terrain des aléas spéculatifs du marché privé immobilier.

En vertu de l’article 75 de la Loi sur l’expropriation (LRQ, c E-24), tout organisme autorisé par la loi à exproprier un bien peut imposer une réserve sur ce bien. C’est l’article 144 de la Charte de la Ville de Montréal (chapitre C-11.4) qui permet une telle imposition de réserve foncière (ou même d’acquérir le terrain aux fins d’habitation).

Une réserve foncière prohibe, pendant sa durée, toute construction, amélioration ou ajout sur l’immeuble qui en fait l’objet, sauf les réparations (article 69 de la Loi sur l’expropriation). Certes, l’imposition d’une réserve sur ce terrain pourrait donner lieu à une indemnité pour la compagnie 9289-5929 Québec inc., mais, cette indemnité ne peut inclure aucun montant relatif à l’utilisation que le propriétaire du bien réservé eût pu en faire si la réserve n’avait pas été imposée. Autrement dit, le propriétaire ne pourrait pas réclamer ses « profits perdus » d’un éventuel projet immobilier en copropriété (« condo ») suite à l’imposition d’une réserve.

Il est intéressant de noter que l’imposition d’une réserve ne donne lieu qu’à une indemnité qui se calcule d’après le préjudice réellement subi et directement causée par cette imposition. De plus, on ne tient pas compte, dans le calcul d’indemnité, des constructions, améliorations ou additions faites après l’imposition de la réserve.

Pour permettre à la communauté de contrôler son avenir… une fiducie foncière communautaire ?

À notre avis, il est impératif que la Ville de Montréal impose une réserve foncière sur le terrain du NCC et ce, dans les meilleurs délais afin de limiter l’indemnité qui devrait être accordée au propriétaire. Le moratoire créé par une réserve donnera le temps qu’il faut à la communauté pour se prononcer sur un projet qui répond à ses besoins.

La création d’une fiducie foncière communautaire pourrait être une façon d’assurer que la communauté ait un contrôle direct sur l’utilisation du terrain du NCC. Ce modèle de propriété, fondé sur les besoins collectifs, est relativement nouveau au Canada, mais connaît une longue tradition en Europe, et on en trouve aussi aux États-Unis, Afrique, Moyen-Orient et Amérique Latine. Partant du principe du contrôle démocratique, la fiducie, avec des représentants de groupes communautaires, résidants, et d’autres acteurs du milieu sur son conseil d’administration, déciderait si les besoins de la communauté étaient mieux servis par du logement social, des espaces communautaires, des commerces de proximité, des sources d’emploi ou bien une combinaison de tous ces éléments. Mettre le terrain dans une fiducie foncière communautaire le protégerait à tout jamais des impératifs spéculatifs du marché privé. Le terrain du NCC pourrait ainsi devenir, plutôt que symbole d’échec et de négligence, un axe du développement social et économique de la Petite-Bourgogne.

Manuel Johnson, avocat

Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles & Petite Bourgogne

Janvier 2015

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Atelier-midi gratuit sur la rédaction de la mise en demeure au centre de Justice de proximité

Le Centre de justice de proximité du Grand Montréal présente à tous les premiers mercredis du mois un atelier-midi gratuit sur la « Rédaction de la mise en demeure ».

 

Dans un contexte de conflit, il est souvent recommandé d’envoyer une lettre de mise en demeure. Peut-on la rédiger soi-même? Par où commencer? Que doit-on écrire dans cette lettre? À quel moment et comment doit-on l’envoyer?

 

À vos papiers! Ce court atelier vous permettra de décortiquer une lettre de mise en demeure pour mieux vous préparer à rédiger la vôtre. Un juriste du Centre de justice du Grand Montréal vous informera sur les éléments essentiels de la lettre de mise en demeure afin de ne rien oublier!

 

Quand ? 4 février, 4 mars, 1er avril, 6 mai, 3 juin de 12 h à 13 h 30.

Vous pouvez apporter votre lunch!

 

Où? Dans les locaux du Centre de justice de proximité du Grand Montréal. (407, boul. Saint-Laurent, bur. 410, Montréal)

Métro Place d’armes
Inscription : montreal@cjpqc.ca ou 514-227-3782

 

 

  Jennifer Fafard-Marconi, avocateCommunication et gestion documentaire 

407, Boul. St-Laurent, Bur. 410

Montréal (Québec) H2Y 2Y5

T/  514-227-3782  p. 3643

Justicedeproximite.qc.ca

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Centre communautaire Tyndale Saint-Georges : Clinique gratuite d’information juridique / Free Legal Information Clinic

Nous voulons vous informer que notre Clinique gratuite d’information juridique aura lieu maintenant chaque lundi, du 26 janvier jusqu’à la fin de mai (sauf les journées fériées), au 870 carré Richmond, de 18 h à 19 h.

 

We would like to inform you that our Free Legal Information Clinic will now take place every Monday, from January 26th to the end of May (excluding holidays), at 870 Richmond Square, from 6pm to 7pm

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La LIVAC : « trop généreuse », vraiment?

La Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels[1], édictée en 1972,

est une loi à caractère hautement social qui a pour objectif de réparer les

conséquences de certains actes criminels impliquant la violence pour les

victimes qui remplissent les critères d’admissibilité déterminés par le

législateur. Reconnaissant que « le crime contre la personne est un risque

social dont les conséquences devraient être assumées par la collectivité [2] »,

le régime d’indemnisation offre des indemnités de remplacement du

revenu, des indemnités pour les séquelles permanentes, de l’assistance

médicale, le remboursement de certains frais et la réadaptation sociale et

professionnelle (art. 5 LIVAC).

 

La LIVAC a subi des modifications souhaitables, mais mineures, en 2013.

Il s’agissait de modifications attendues depuis fort longtemps : la dernière

réforme de la loi datait de 1978! Malheureusement, les modifications

apportées en 2013 (concernant le délai pour introduire une réclamation, le

remboursement de frais funéraires et le remboursement de frais liés à une

résiliation de bail en vertu de l’article 1974.1 du Code civil du Québec

(C.c.Q.)[3]) ont laissé les victimes – notamment les victimes de la violence

intrafamiliale et sexuelle – sur leur faim.

 

Des intervenants et des juristes qui étudient ces questions réclament une

réforme en profondeur de la LIVAC, qui, selon eux, est peu adaptée aux

circonstances particulières de certaines victimes. Selon Me Louise

Langevin, auteure de nombreux articles sur les aspects juridiques de la

violence intrafamiliale, « [a]u lieu de procéder à des modifications

mineures de la LIVAC, le gouvernement devrait réviser en profondeur la loi

pour moderniser son langage et éliminer les aspects problématiques qui

sont incompatibles avec un modèle d’indemnisation du risque social qui

constitue la violence intrafamiliale [4] ». Nous proposons de regarder ici les

principales lacunes de la loi, qui l’empêchent de remplir pleinement son

objectif social et qui font que les victimes sont trop souvent laissées à ellesmêmes

ou doivent subir, parfois pour la deuxième fois (suite au procès

criminel de leurs agresseurs), des reviviscences douloureuses qui nuisent à

leur réadaptation sociale.

 

Pour comprendre pourquoi des intervenants auprès des femmes en

difficulté – tels que la Fédération de ressources d’hébergement pour

femmes violentées et en difficulté du Québec et le Regroupement des

maisons pour femmes victimes de violence conjugale – réclament avec

autant d’insistance une réforme en profondeur de la loi, il suffit de jeter un

coup d’oeil sur les statistiques concernant les réclamations auprès de

l’IVAC. Selon le Rapport annuel d’activité de 2013 de l’IVAC, 67 % des

réclamations acceptées proviennent des femmes [5]. Les principaux actes

criminels commis sont les voies de fait et les crimes à caractère sexuel, qui

représentent, à eux seuls, 63 % des crimes pour lesquels la demande de

prestations a été acceptée [6]. Ce sont des crimes commis, encore une fois,

principalement à l’égard des femmes : 72 % des réclamations acceptées

pour voies de fait en 2013 proviennent des femmes, ainsi que 84 % des

réclamations pour des crimes à caractère sexuel [7].

 

Il est important de souligner le fait que ce ne sont pas toutes les victimes de

crimes qui sont éligibles aux indemnités et services de réadaptation de

l’IVAC. Les crimes ouvrant la porte à l’indemnisation se trouvent à

l’annexe de la loi; il s’agit de crimes contre la personne tels que voies de

fait (art. 266 du Code criminel [8]), agression sexuelle (art. 271 C.Cr.), inceste

(art. 155 C.Cr.). Par contre, d’autres crimes pouvant causer des blessures de

nature psychologique, comme le harcèlement criminel (art. 264 C.Cr.), les

menaces de mort (art. 264.1 C.Cr.) ou l’intimidation (art. 423 C.Cr.), ne

sont pas « indemnisables », étant exclus de l’annexe. L’exclusion de ces

crimes de l’annexe de la loi a un effet disproportionné sur les femmes :

selon Statistique Canada, en 2011, 76 % des victimes de harcèlement

criminel rapporté à la police étaient des femmes9. Ces victimes n’ont aucun

accès aux indemnités et aux mesures de réadaptation de l’IVAC.

 

La lacune principale de la loi concerne le délai de réclamation. Pour être

éligibles aux bénéfices de la loi, les victimes des crimes se trouvant à

l’annexe de la loi doivent faire leur réclamation dans les deux ans de la

manifestation des dommages découlant de leurs blessures (art. 11 LIVAC).

Notons que, selon la jurisprudence, ce délai n’est pas un délai de

prescription ou de déchéance. Il s’agit plutôt d’un « simple laps de temps

au terme duquel peut naître une présomption de renonciation» aux

avantages de la loi [10]. La victime peut renverser cette présomption en

établissant, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne pouvait pas

faire sa réclamation plus tôt pour des motifs raisonnables. Contrairement

aux règles de prescription, la victime n’a pas à démontrer une impossibilité

d’agir. Malheureusement, les décideurs au Bureau de révision

administrative de l’IVAC et même parfois au Tribunal administratif du

Québec n’interprètent pas toujours cette nuance de la même façon. Nous y

reviendrons.

 

Ce délai n’était qu’un an avant la modification effectuée par le projet de loi

n° 22 [11], qui est entré en vigueur le 23 mai 2013. La modification du délai

était réclamée pour tenir compte des circonstances particulières des

victimes de violence conjugale, d’agression sexuelle et d’abus sexuels

subis pendant l’enfance. Me Langevin explique bien les difficultés que ces

personnes ont à « briser le silence », dans son témoignage devant la

Commission des institutions de l’Assemblée nationale (livré dans le cadre

des consultations sur les modifications de la LIVAC) [12]:

 

[…] Ces victimes apprennent à vivre avec un secret qui leur est imposé par la société ou leur famille. Elles peuvent tenter d’oublier leur expérience traumatisante. Elles sont souvent incapables de se considérer comme des victimes ou encore d’en parler parce qu’elles ont peur, peur de l’agresseur, elles ont honte, elles se sentent responsables ou ne veulent pas briser leur famille. Ainsi, plusieurs années peuvent s’écouler avant qu’elles mesurent le préjudice subi ou qu’elles se confient. […]

 

L’appréciation de la preuve prépondérante qui permet de renverser la

présomption à l’article 11 LIVAC laisse une marge considérable de

discrétion aux décideurs. Souvent, on demande aux victimes de démontrer

qu’elles n’étaient pas en mesure de gérer tous les aspects de leur vie

pendant toute la période du délai entre la manifestation des dommages et la

réclamation (ce qui revient à leur imposer un fardeau plus élevé

d’impossibilité d’agir). Certains décideurs requièrent une preuve d’un

grand désordre psychologique pour renverser la présomption de

renonciation aux bénéfices de la loi. Par exemple, dans une décision

récente impliquant une longue série d’agressions par un policier de

Longueuil (dont la victime était, cette fois-ci, un homme), le tribunal a

estimé que le fait que le requérant travailait pendant des années avant de

faire sa réclamation démontrait qu’il était en mesure de faire sa réclamation

plus tôt et qu’il avait renoncé aux bénéfices de la loi [13].

 

Pourtant, une victime rongée par la honte et un sentiment de culpabilité

pourrait très bien se réfugier dans le travail, comme on se réfugie dans la

drogue, pour éviter d’affronter ses blessures intérieures, ce que le requérant

en l’espèce avait fait, s’exposant à plusieurs « burnouts » au passage. Ce

n’était qu’après sa dénonciation à la police et sa réclamation à l’IVAC que

tout son passé douloureux est revenu à la surface; depuis sa réclamation, il

n’est plus capable de travailler. Sa requête étant rejetée par le tribunal pour

les motifs du hors-délai, il ne bénéficie d’aucun soutien de l’IVAC, et ce,

même si le tribunal «ne remet aucunement en doute la véracité des propos

tenus par le requérant concernant les agressions dont il a été victime et les

conséquences qui en découlent [14] ».

 

Le fardeau de démontrer qu’on n’a pas renoncé aux bénéfices de la loi en

raison du délai peut être lourd; pire, il met les victimes dans une position

d’avoir à justifier de nouveau leur statut de victime. Plusieurs victimes que

nous avons défendues au TAQ ont exprimé le sentiment d’être vues comme

la « coupable » qui voulait « profiter du système ». Dans un contexte où les

victimes d’agression sexuelle et de la violence intrafamiliale ont

énormément de difficulté à dénoncer leurs agresseurs et à chercher de

l’aide, les délais imposés par la LIVAC constituent des obstacles

supplémentaires qui découragent plusieurs. Trop de victimes abandonnent

tout simplement leurs réclamations face au refus initial de l’IVAC, n’ayant

pas la force de vivre un deuxième processus judiciaire [15].

 

Pour ces raisons, Me Langevin et les regroupements de ressources pour

femmes en difficulté revendiquent qu’aucun délai de réclamation ne soit

imposé aux victimes d’agression sexuelle ou de la violence intrafamiliale.

Après tout, au plan pénal, il n’y a aucune prescription pour ces crimes. Et

le Code civil du Québec contient désormais une prescription de 30 ans pour

les poursuites civiles pour la violence subie dans l’enfance, la violence

conjugale et les agressions sexuelles (art. 2926.1 C.C.Q.). En ce qui

concerne ces victimes, quel objectif de justice sociale est atteint par la

présomption de renonciation aux bénéfices de la loi contenue à l’article 11

LIVAC?

 

Malheureusement, le gouvernement actuel semble peu sensible à ces

considérations : selon un article apparu dans La Presse le 18 septembre

2014 [16], on serait plutôt en train d’envisager « une réduction importante des

coûts » du régime. Dans ces circonstances, il y a lieu de s’inquiéter des

conséquences pour les personnes les plus vulnérables – les victimes

d’agression sexuelle et de la violence intrafamiliale – d’une « réduction

importante » des coûts d’un régime qui ne répond déjà pas aux besoins des

victimes.

 

Manuel Johnson, avocat

Services juridiques communautaires de Pointe Saint-Charles et Petite Bourgogne

 

______________________________________

[1] RLRQ, c. I-6, ci-après nommée «LIVAC».

[2] Isabelle Doyon et Katherine Lippel. L’indemnisation des victimes d’actes criminels : une analyse jurisprudentielle. Cowansville : Y. Blais, 2000. P. 12.

[3] «Art. 1974.1. Un locataire peut résilier le bail en cours si, en raison de la violence d’un conjoint ou d’un ancien conjoint ou en raison d’une agression à caractère sexuel, même par un tiers, sa sécurité ou celle d’un enfant qui habite avec lui est menacée. […]»

[4] Louise Langevin. Consultations particulières portant sur le Projet de loi n°22, Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes des actes criminels : mémoire. Université Laval, 27 mars 2013. P. 5 [en ligne] : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CI/mandats/Mandat-22503/memoires-deposes.html

[5] Québec (prov.). Commission de la santé et de la sécurité du travail. Rapport annuel d’activité 2013 : IVAC. Montréal : la Commission, 2014. 30 p. [en ligne] :

http://www.ivac.qc.ca/PDF/Rapport_annuel_IVAC_2013.pdf, à la p. 17.

[6] Ibid.

[7] Inceste, rapport sexuel avec une personne en situation d’autorité, agression sexuelle armée et agression sexuelle grave.

[8] L.R.C. 1985, c. C-46, ci-après nommée «C.Cr.».

[9] Canada. Statistique Canada. « Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques », diffusé le 25 février 2013 [en ligne] : http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2013001/article/11766-fra.pdf

[10] Sauveteurs et victimes d’actes criminels — 1 (C.A.S., 1994-11-07), SOQUIJ AZ-95051000, [1995] C.A.S. 1

[11] Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, la Loi visant à favoriser le civisme et certaines dispositions du Code civil relatives à la prescription (L.Q. 2013, c. 8).

[12] Québec. Assemblée nationale. Journal des débats. Comité des institutions. Volume 43, n° 28, 27 mars 2013.

[13] R.C. c. Procureur général du Québec, (T.A.Q., 2014-08-06), 2014 QCTAQ 07746, SOQUIJ AZ-51101170, paragr. 66.

[14] Id., paragr. 38.

[15] Fédération de ressources d’hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec. Actualiser la loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels afin de mieux reconnaître les besoins des victimes : quelques recommandations. Mémoire présenté à la Commission des institutions concernant le projet de loi 22 : Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, mars 2013, p. 10

[en ligne].

16 Denis Lessard. «L’aide aux victimes d’actes criminels revue», La Presse, [Montréal] (18 septembre 2014) [en ligne] : http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201409/18/01-4801257-laide-aux-victimes-dactes-criminels-revue.php

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Dénonciation tardive d’abus sexuel et délai de prescription

Compte tenu de l’actualité qui met à l’avant-scène les abus sexuels passés non dénoncés, il est utile de rappeler certaines règles de droit qui régissent les délais de prescription. En droit, les délais de prescription sont les  délais à l’intérieur desquels une action en justice (une poursuite civile) doit être introduite sous peine de nullité. Passé le délai de prescription, l’action en justice ne peut plus être valablement introduite; il y a extinction du droit de poursuite.

 

Il existe différents délais de prescription et sans faire une analyse exhaustive de l’état du droit en la matière, nous voulons simplement rappeler que des changements importants ont été introduits en 2013 par le législateur dans ces questions de délai de prescription, particulièrement en cas d’agression sexuelle. Des changements ont été introduits d’une part dans les délais pour les poursuites civiles et d’autre part dans les délais pour faire une demande de compensation auprès de l’IVAC (l’IVAC étant l’organisme gouvernemental qui indemnise les victimes d’actes criminels).

 

Poursuite civile

 

Depuis le 23 mai 2013, le délai de prescription pour les poursuites civiles où l’on demande réparation pour une agression à caractère sexuel (ou encore, pour de la violence subie pendant l’enfance ou de la violence d’un conjoint ou d’un ancien conjoint) est passé de 3 à 30 ans. Le point de départ de cette prescription de 30 ans est le jour où la victime a connaissance que son préjudice est attribuable à cet acte.

 

Ainsi, une personne qui réaliserait en 2014 que les troubles ou préjudices qu’elle éprouve sont attribuables à une agression sexuelle subie dans le passé (peu importe l’année) pourrait valablement introduire une poursuite civile contre son agresseur pour obtenir réparation. Elle aurait en théorie jusqu’en 2044 pour intenter cette poursuite.

 

À l’opposé, une victime d’agression sexuelle qui aurait réalisé avant le 22 mai 2010 que ses troubles ou préjudices étaient attribuables à une agression passée mais qui n’aurait pas introduit de recours en justice en temps utile  (soit dans les 3 années de cette connaissance) ne pourrait plus le faire, même après l’augmentation du délai de prescription survenue le 23 mai 2013, son droit d’action en justice ayant pris fin  trois ans après cette « connaissance » ou « prise de conscience », soit avant l’entrée en vigueur du nouveau délai de prescription (voir notamment l’arrêt  F.B. c. Therrien (Succession de), 2014 QCCA 854).

 

Finalement, celle qui aurait réalisé ce lien (entre son préjudice et l’agression sexuelle) après le 22 mai 2010, pourrait intenter une poursuite maintenant (dans les 30 ans à compter de cette « connaissance » ou « prise de conscience »), cette personne possédant encore un droit d’action non éteint le 22 mai 2013, soit la veille du jour d’entrée en vigueur du nouveau délai de prescription.

 

IVAC

 

Depuis le 23 mai 2013, une victime d’acte criminel dispose de deux années à compter du moment où elle prend conscience du préjudice subi et de son lien probable avec l’acte criminel pour faire une demande d’indemnité auprès de cet organisme. Ce délai était antérieurement d’un an.

 

Difficultés de preuve en cas de passage du temps

 

Évidemment, toute la difficulté pour la victime réside notamment dans cette preuve du moment  précis où elle réalise que son préjudice est attribuable à l’agression; ce qui faisait dire à une avocate, au lendemain de l’adoption de ces modifications législatives, qu’elles  faisaient du Québec « l’une des provinces canadiennes protégeant le moins les droits civils de ses citoyens victimes d’agression sexuelle, de violence conjugale ou familiale »[1].

 

Deux poids deux mesures ?

 

Il faudrait bien qu’un jour le législateur nous explique pourquoi il a dicté, pour demander réparation d’un même préjudice, un délai de 30 ans (au civil) et un délai de 2 ans (au niveau administratif (IVAC)).

 

Dans tous les cas et compte tenu de la complexité du droit, n’hésitez pas à communiquer avec un avocat(e)  pour connaitre et faire valoir vos droits et ne prenez pas pour acquis qu’il est trop tard pour agir.

 

 


[1] Valérie Laberge, Commentaire sur le projet de loi 22, intitulé « Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, la Loi visant à favoriser le civisme et certaines dispositions du Code civil relatives à la prescription » – Les délais de prescription en matière de préjudice corporel résultant d’une infraction criminelle sont modifiés : une occasion ratée de protéger adéquatement les droits civils des victimes d’agressions sexuelles, de violence conjugale et de violence subie durant l’enfance,  EYB2013REP1400

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