Privée de prestations de soutien aux enfants car elle touche une pension alimentaire pour l’enfant dont elle s’occupe

Une personne qui garde, cohabite et s’occupe d’un enfant qui n’est pas le sien n’a pas droit aux prestations de soutien aux enfants (PSE, anciennes allocations familiales) si elle touche une pension alimentaire d’un certain montant pour les besoins de cet enfant. C’est ce que vient de décider le Tribunal administratif du Québec dans une décision récente, rendue par défaut et qui étonne grandement.

 

Dans cette affaire, la tante des enfants devra rembourser un trop payé de PSE car durant un certain nombre de mois, le père des enfants lui versait une pension alimentaire pour l’aider à subvenir aux besoins de ses deux enfants à lui  dont elle s’occupait à temps plein et avec lesquels elle vivait. Le tribunal se rend aux arguments de Retraite Québec tirées d’une directive interne de cet organisme selon laquelle, si un tiers (une personne autre que les parents) touche un certain montant pour subvenir aux besoins de l’enfant dont il prend soin, il est privé du droit aux PSE.

 

D’abord, il est étonnant que le tribunal ait fondé sa décision sur une directive plutôt que sur la loi.  En outre, on sait que les pensions alimentaires pour enfants ne sont pas imposables et qu’elles ne constituent pas des revenus (sauf quelques rares exceptions comme en matière d’aide sociale par exemple). Il est donc étrange qu’on ait considéré l’existence de cette source de revenu pour décider du droit aux PSE. Finalement, considérer qu’une personne qui s’occupe d’un enfant qui n’est pas le sien soit traitée différemment d’un parent biologique en regard du droit aux PSE a quelque chose de choquant (puisque les parents qui touchent des pensions alimentaires pour leur enfant ont, eux, pleinement droit aux PSE).

 

Sans doute que la décision rendue aurait été différente si la dame en question avait fait valoir ses droits et participé au débat, ce qui, malheureusement, n’a pas été le cas.

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Mémoire PL 70: des mesures qui mèneront à une plus grande vulnérabilité des prestataires

Nous avons pris connaissance du projet de loi 70 – Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi (« projet de loi 70 »), présenté par le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale de l’époque, monsieur Sam Hamad. Nous avons été choqués de constater le décalage flagrant entre les préjugés véhiculés dans ce projet de loi et la réalité vécue par les personnes démunies avec qui et pour qui nous travaillons au quotidien.

 

Pour les raisons que nous expliquons dans notre mémoire, nous sommes en complet désaccord avec l’imposition de mesures obligatoires d’aide à l’emploi sous peine de pénalités financières. Ce projet de loi instituerait un système de travail forcé en violation avec plusieurs droits fondamentaux de la personne. Il repose de plus sur les préjugés les plus décriés concernant les personnes assistées sociales.

 

Le projet de loi 70 ne respecte pas les règles d’équité procédurale les plus élémentaires. De plus, le pouvoir de réglementation prévu au projet de loi 70 est beaucoup trop étendu de sorte que les éléments les plus importants du programme projeté demeurent à ce jour inconnus. Comme ces éléments seront établis par règlement adopté par le gouvernement, ils ne seront pas soumis à un débat parlementaire. Visant une intégration en emploi en apparence seulement, ce projet de loi aura plutôt comme conséquence inacceptable d’appauvrir encore davantage des personnes vulnérables qui vivent déjà dans des conditions d’extrême précarité.

 

Nous demandons au nouveau ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, monsieur François Blais, de retirer le projet de loi 70.

 

Pour lire le mémoire complet des Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne, suivre le lien suivant : Mémoire PL70 Services juridiques communautaires.

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Les parents qui touchent de l’aide sociale peuvent-ils venir en aide à leurs enfants ?

Cette étrange question fait suite à une nouvelle publiée récemment dans le journal La presse et intitulée « Deux assistés sociaux doivent rembourser 30 000$ pour avoir aidé leur fille ». En fait, intuitivement on estime que la réponse à cette question est sans doute oui.  Le rôle des parents n’est-il pas en effet de perpétuellement venir en aide à leurs enfants. Le code civil consacre ce principe en déclarant à l’article 599 qu’ils doivent nourrir et entretenir leur enfant.

Réciproquement, le rôle des enfants, une fois grands, n’est-il pas d’aider leurs parents (principe que consacre l’article 585 du Code civil) ?

 

Le fait de toucher de l’aide sociale y changerait-il quelque chose ? Il serait en effet choquant de réaliser que parce qu’un parent touche de l’aide sociale et n’a donc pas les moyens financiers d’aider son enfant, il ne puisse lui venir en aide autrement en faisant pour lui des tâches ou en lui rendant autrement service.

 

Cette notion de solidarité ou d’entraide familiale est pourtant clairement au cœur des valeurs qui nous habitent et nous sont chères et certaines lois du Québec témoignent de l’importance qu’on y accorde collectivement. Par exemple, la loi sur les normes du travail exclu de son champ d’application certaines activités de salariat fondées uniquement sur une relation d’entraide familiale ou d’entraide dans la communauté[1]. Quant à la loi sur l’aide sociale (i.e. la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles, RLRQ c A-13.1.1), elle relève du ministre de l’Emploi et de la solidarité sociale. Cette loi participe des principes qui guident la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, soit des principes de dignité et de développement et de renforcement du sentiment de solidarité dans l’ensemble de la société québécoise.

 

En juin 2007, au moment de l’annonce de certaines modifications règlementaires, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale de l’époque, M. Sam Hamad,  déclarait ce qui suit sur le fil de presse du gouvernement : «Parce que la lutte contre la pauvreté concerne l’ensemble de la société,

le gouvernement souhaite encourager les citoyens, les familles et les proches

des personnes en situation de pauvreté à s’entraider. »[2].

 

Compte tenu de ces grands principes qui émaillent tant la législation que les orientations ministérielles, comment des parents ont-ils pu être condamnés à rembourser 30,000.00$ de prestations d’aide sociale en travaillant bénévolement au commerce de leur fille ? Ces personnes auraient-elles agi de la même façon si elles avaient su que leur entraide allait en fait leur nuire ?

 

Nous pensons qu’il est essentiel que les lois, c’est-à-dire les règles qui nous gouvernent soient claires et non ambiguës afin que nos comportements et agissements ne nous soient pas ultimement reprochés comme ayant constitués une violation de la loi.

 

Il est certain que les parents qui œuvraient au commerce de leur fille, dans l’affaire révélée par le journal La presse (et dont le texte intégral se trouve ici), n’avaient nullement conscience qu’on allait éventuellement leur reprocher et leur  faire payer leurs agissements. Ce qui est particulièrement à la fois cruel et ironique dans cette affaire est ce constat que font les juges administratifs dans leur décision :

 

[33] Or, dans la présente situation, ils ne recevaient aucun revenu de la part de leur fille pour les heures passées à la boulangerie de cette dernière. Compte tenu qu’il s’agissait d’un contexte familial et, en l’absence de revenus additionnels, la présente formation considère qu’il était raisonnable pour les requérants de croire qu’ils n’avaient pas à déclarer cette situation à la partie intimée.

 

Le tribunal reconnait donc la probité des parents, constate l’absence de toute faute de leur part mais conclut du même souffle que :

 

[28] Les requérants devaient déclarer à la partie intimée qu’ils allaient travailler plusieurs heures par semaine chez leur fille, et ce, même s’ils ne prévoyaient pas recevoir de rémunération pour le faire.

 

Autrement dit selon le Tribunal, ces personnes devaient déclarer une situation qu’elles étaient par ailleurs justifiées de ne pas avoir à déclarer.

 

Ces situations d’entraide familiale qui mettent en cause des prestataires  de l’aide sociale sont nombreuses comme en témoigne la jurisprudence du Tribunal administratif. À chaque fois qu’un cas semblable est évoqué dans l’actualité on se demande si notre société est véritablement solidaire comme elle le prétend.

 

Il est malheureux que ces personnes n’aient pas été représentées par avocat devant le Tribunal administratif du Québec. Elles auraient pu faire valoir quantité d’arguments, notamment le deuxième alinéa de l’article 1 de  la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles selon lequel « La présente loi vise également à encourager les personnes à exercer des activités permettant leur insertion sociale, leur intégration en emploi et leur participation active dans la société.» ou encore, cette autre décision du TAQ, une affaire similaire où on peut lire :

 

[33]           Le Tribunal estime que le requérant et son fils n’ont pas enfreint l’esprit de la LAPF et qu’au contraire, en agissant ainsi, ils ont contribué à réduire les charges de l’état.

      



[1] Art. 3(2) de la Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1

[2] Communiqué 4639 Les dons en nature ou en services faits à une personne prestataire – Le ministre Sam Hamad favorise l’entraide et la solidarité

 

 

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Report de la hausse des seuils d’admissibilité à l’Aide juridique !

Montréal, le 25 février 2015– C’est avec consternation que la Coalition pour l’accès à l’Aide juridique réagit à l’annonce faite ce jour par la Ministre de la Justice, Mme Stéphanie Vallée, de reporter de 7 mois la hausse des seuils d’admissibilité à l’Aide juridique qui devait normalement être effective au  1er juin 2015, conformément au règlement en ce sens qui avait été adopté en décembre 2013.

 

Cela fait plus de 30 ans qu’il y a absence d’arrimage des seuils d’admissibilité à l’Aide juridique avec le salaire minimum. La hausse des seuils qui devait finalement mettre fin à cet écart et entrer en vigueur dans 3 mois  était attendue depuis la fin de l’indexation des seuils d’admissibilité à l’Aide juridique survenue en 1982.

 

Crée en 2007, la Coalition pour l’accès à l’Aide juridique, qui regroupe une cinquantaine d’organisations préoccupées par la question de l’accès à la justice, avait pour principale revendication que l’Aide juridique soit gratuite pour une personne seule travaillant à temps plein (40h/semaine) au salaire minimum comme c’était le cas lors de la création  de l’Aide juridique en 1972.

 

La Coalition, qui avait réagi favorablement à cette hausse des seuils au moment de son annonce à l’automne 2013 (tout en déplorant le délai de 17 mois entre l’annonce  et sa mise en vigueur),  rappelle que ce rehaussement historique est d’une importance primordiale pour l’accès à la justice et que la campagne d’austérité du gouvernement actuel n’aurait jamais du compromettre cette mise à jour tant attendue d’un programme étatique essentiel.

 

La Coalition s’interroge sur les véritables motifs de ce report inopportun d’un ajustement essentiel aux seuils d’accès à l’Aide juridique. Comment le gouvernement peut-il affirmer ne pas avoir maintenant les moyens d’effectuer cette hausse mais qu’il les aura dans 7 mois ? Tout cela semble démontrer que le gouvernement est totalement aveuglé par  ce dogme de l’austérité qui dicte ses moindres décisions.

 

Ironiquement, M. Pierre Moreau, l’un des doyens actuels du gouvernement,  alors adjoint parlementaire au ministre de la Justice, écrivait ces phrases en 2005 sur l’importance de l’accès la justice :

 

« Le bilan actuel des finances publiques exige que l’État recentre son engagement en priorité sur ses missions essentielles. Mais l’accès à la justice, et surtout l’accès à une justice égale pour les plus démunis, demeure l’une des composantes fondamentales de ces missions. »[1]


SOURCE:

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Aide sociale: Le TAQ annule presqu’entièrement une réclamation fondée sur des revenus provenant de la prostitution

Dans une décision rendue le 4 novembre 2013, le TAQ (tribunal administratif du Québec) annule en très grande partie une réclamation de plus de 80,000.00$ qui pesait sur une personne assistée sociale qui avait déclaré à un enquêteur avoir vécu des revenus de la prostitution durant le temps où elle touchait des prestations d’aide sociale.  Le tribunal retient ce qui suit au sujet de cette déclaration incriminante de l’appelante:

 

[29]           Il faut cependant accepter l’argument que dans le contexte précis de notre dossier, où un montant de 84, 737,31 $ est réclamé, pour une période de 13 ans, cette déclaration mérite d’être nuancée sur l’effet de son contenu. La situation de la requérante a évolué au fils des ans, elle a vécu en Maison de transition, elle a souvent déménagé.

 

[30]           L’instabilité, semble être la principale caractéristique du parcours de la requérante : sortie de Centre de détention, consommation excessive, fréquentation de milieux marginaux, prostitution, longues périodes en Maison de réadaptation, récidives.

 

Le tribunal ajoute enfin qu’en l’espèce, les revenus de la prostitution sont des revenus de travail légaux et qu’à ce titre, ils doivent bénéficier des exemptions pour revenus de travail prévus au règlement.

 

 

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