La notion « d’erreur administrative » élargie par le Tribunal administratif du Québec

Un prestataire de l’aide sociale qui a touché des compensations financières d’un Centre jeunesse en raison de ses activités de support et d’entraide auprès d’une famille n’aura pas à rembourser ces montants à l’Aide sociale. Dans une décision récente, le Tribunal administratif du Québec vient en effet d’annuler une réclamation de 10, 000 $ faite à une personne qui ne croyait pas avoir à déclarer à l’Aide sociale la réception de ces compensations monétaires puisque que le Centre Jeunesse lui avait donné par écrit l’assurance que ces montants n’étaient pas des revenus mais plutôt des compensations financières pour le bénévolat accompli.

 

Le Tribunal en arrive à cette conclusion en donnant à l’expression erreur administrative contenue à la loi, toute la portée qui soit.  Pour les juges, l’erreur administrative commise ici non pas par l’aide sociale mais par les Centres jeunesse (et consistant à donner, à tort, l’impression que la compensation financière touchée n’a pas à être déclarée à  l’aide sociale) doit profiter à la personne qui touche de l’aide sociale et qui se fait dire que ce qu’elle touche n’est pas un revenu.

 

C’est une décision importante puisque souvent, les juges limitaient la portée de la notion d’erreur administrative aux seules erreurs commises par l’aide sociale par opposition à celles commises ou induites par des organismes tiers.

 

Print Friendly, PDF & Email

Mémoire PL 70: des mesures qui mèneront à une plus grande vulnérabilité des prestataires

Nous avons pris connaissance du projet de loi 70 – Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi (« projet de loi 70 »), présenté par le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale de l’époque, monsieur Sam Hamad. Nous avons été choqués de constater le décalage flagrant entre les préjugés véhiculés dans ce projet de loi et la réalité vécue par les personnes démunies avec qui et pour qui nous travaillons au quotidien.

 

Pour les raisons que nous expliquons dans notre mémoire, nous sommes en complet désaccord avec l’imposition de mesures obligatoires d’aide à l’emploi sous peine de pénalités financières. Ce projet de loi instituerait un système de travail forcé en violation avec plusieurs droits fondamentaux de la personne. Il repose de plus sur les préjugés les plus décriés concernant les personnes assistées sociales.

 

Le projet de loi 70 ne respecte pas les règles d’équité procédurale les plus élémentaires. De plus, le pouvoir de réglementation prévu au projet de loi 70 est beaucoup trop étendu de sorte que les éléments les plus importants du programme projeté demeurent à ce jour inconnus. Comme ces éléments seront établis par règlement adopté par le gouvernement, ils ne seront pas soumis à un débat parlementaire. Visant une intégration en emploi en apparence seulement, ce projet de loi aura plutôt comme conséquence inacceptable d’appauvrir encore davantage des personnes vulnérables qui vivent déjà dans des conditions d’extrême précarité.

 

Nous demandons au nouveau ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, monsieur François Blais, de retirer le projet de loi 70.

 

Pour lire le mémoire complet des Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne, suivre le lien suivant : Mémoire PL70 Services juridiques communautaires.

Print Friendly, PDF & Email

Une belle victoire: L’aide juridique enfin arrimée avec le salaire minimum!

Source: Coalition pour l’accès à l’aide juridique

Communiqué

Diffusion immédiate

 

L’aide juridique enfin arrimée avec le salaire minimum :

Une hausse longuement réclamée

 

Montréal, le 21 décembre 2015 À compter du 1er janvier 2016, les seuils d’admissibilité à l’aide juridique seront haussés de façon significative, succès d’une lutte collective menée depuis huit ans par les milieux communautaire et juridique.

 

La Coalition pour l’accès à l’aide juridique célèbre aujourd’hui cette victoire. « Cette hausse historique nous permet enfin d’atteindre notre principale revendication après des efforts considérables depuis 2007 », se réjouit Me Paul Faribault de la Fédération des avocates et avocats de l’aide juridique du Québec (FAAJQ) et porte-parole de la Coalition. Cela faisait plus de 30 ans qu’il y avait absence d’arrimage des seuils d’admissibilité à l’aide juridique avec le salaire minimum. « L’aide juridique renoue avec sa raison d’être, soit d’assurer aux plus démunis l’accès à la justice et de leur permettre de défendre leurs droits », souligne Me Faribault.

 

Ainsi, une personne seule travaillant au salaire minimum à raison de 35 heures par semaine sera désormais admissible sans frais à l’aide juridique. En effet, le seuil d’admissibilité au volet gratuit pour une personne seule passe de 16 306 $ à 19 201 $ (revenu annuel brut). Les autres catégories de seuils seront elles aussi proportionnellement augmentées. De plus, le règlement prévoit que les seuils d’admissibilité à l’aide juridique seront dorénavant indexés en fonction de la progression du salaire minimum.

 

Austérité et accès à la justice

 

D’abord annoncée en 2013 et prévue pour entrer en vigueur en juin 2015, cette hausse historique avait été reportée de sept mois. Ce report s’ajoutait alors aux nombreuses mesures d’austérité imposées par le gouvernement de Philippe Couillard.

 

La Coalition demeurera donc vigilante afin de s’assurer que cette hausse des seuils sera pleinement mise en œuvre, notamment quant à l’ajustement automatique en fonction du salaire minimum. « De plus, rappelons que la question des faibles seuils d’admissibilité n’étaient pas le seul obstacle à l’accès à l’aide juridique », rappelle Sylvie Lévesque, porte-parole de la Coalition et directrice générale de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ). « Encore aujourd’hui, l’admissibilité évaluée selon les revenus annuels au lieu de la base mensuelle réclamée et le panier de services juridiques excessivement réduit en 1996 représentent un véritable frein en matière d’accès à la justice », déplore-t-elle.

 

Par ailleurs, la Coalition pour l’accès à l’aide juridique se questionne quant à l’utilisation du Fonds Accès Justice. Malgré l’accumulation de sommes dans ce fonds par le biais notamment d’une sur-amende, il n’y a eu aucun appel de projets au cours des deux dernières années. « Où est passé cet argent pourtant réservé à des projets visant à améliorer l’accès à la justice? », s’indigne Sylvie Lévesque. Il y a encore beaucoup à faire pour rendre la justice réellement accessible.

 

À propos de la Coalition pour l’accès à l’aide juridique

 

Créée à l’automne 2007, la Coalition compte une cinquantaine de membres (organismes, regroupements, syndicats, individus) et bénéficie du soutien de 250 autres associations et groupes de toutes les régions du Québec. La Coalition a toujours maintenu qu’il était essentiel qu’une personne seule travaillant à temps plein (40h/semaine) au salaire minimum ait droit à l’aide juridique gratuite. C’était le cas lors de la création du régime public de l’aide juridique en 1972.

 

La Coalition est constituée des groupes suivant : Accès Équité (Faculté de droit, Université McGill), Action Autonomie, le collectif pour la défense des droits en santé mentale de Montréal, Aide aux Travailleurs Accidentés (ATA), Assemblée des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s du Québec (ATTAQ), Association des étudiants et étudiantes en droit de l’Université de Montréal, Association des étudiantes et étudiants en droit de l’UQÀM (AÉDUQÀM), Association des Juristes Progressistes, Association des Travailleurs et Travailleuses Accidentés du Matawin, Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ), Au bas de l’échelle, Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) de l’Estrie, Centre d’organisation mauricien de services et d’éducation populaire (COMSEP), Centre de soir Denise-Massé, Clinique juridique de l’UQÀM, Clinique juridique Juripop, Clinique juridique populaire de Hull, Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ), Comité des travailleurs et travailleuses accidentés de l’Estrie (CTAE), Comité logement Beauharnois, Confédération des syndicats nationaux (CSN), Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN), Conseil central de Lanaudière CSN, Département des sciences juridiques de l’UQÀM

Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ), Fédération des professionnèles (CSN), Fédération des avocats de l’aide juridique du Québec, Me France Boucher, Chargée de cours UQÀM, Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ), Info-Éveil de la région de Matane, Inform’Elle, Ligue des droits et libertés, L’R des centres de femmes du Québec, Mouvement Autonome et Solidaire des Sans-Emploi (MASSE), Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MEPACQ), O.B.N.L. Citadelle de St-Ambroise Inc., Option consommateurs, Pro Bono, UQÀM, Projet Genèse, Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Réseau FADOQ, Regroupement des comités de logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), Regroupement provincial des maisons d’hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale (RPMHTFVVC), Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS), SEP (Service d’Entraide Passerelle), Services juridiques communautaires de Pointe St-Charles et Petite Bourgogne, Syndicat des avocats et avocates à l’aide juridique de Montréal, Table de concertation des groupes de femmes du Bas Saint-Laurent, Union des consommateurs, Union des travailleur-se-s accidenté-e-s de Montréal (UTTAM)

 

-30-

Renseignements :

Ariane Gagné

Service des communications de la CSN

Cell. : 514 349-1300

ariane.gagne@csn.qc.ca 

 

Coalition pour l’accès à l’aide juridique : www.coalitionaidejuridique.org

Print Friendly, PDF & Email

Les parents qui touchent de l’aide sociale peuvent-ils venir en aide à leurs enfants ?

Cette étrange question fait suite à une nouvelle publiée récemment dans le journal La presse et intitulée « Deux assistés sociaux doivent rembourser 30 000$ pour avoir aidé leur fille ». En fait, intuitivement on estime que la réponse à cette question est sans doute oui.  Le rôle des parents n’est-il pas en effet de perpétuellement venir en aide à leurs enfants. Le code civil consacre ce principe en déclarant à l’article 599 qu’ils doivent nourrir et entretenir leur enfant.

Réciproquement, le rôle des enfants, une fois grands, n’est-il pas d’aider leurs parents (principe que consacre l’article 585 du Code civil) ?

 

Le fait de toucher de l’aide sociale y changerait-il quelque chose ? Il serait en effet choquant de réaliser que parce qu’un parent touche de l’aide sociale et n’a donc pas les moyens financiers d’aider son enfant, il ne puisse lui venir en aide autrement en faisant pour lui des tâches ou en lui rendant autrement service.

 

Cette notion de solidarité ou d’entraide familiale est pourtant clairement au cœur des valeurs qui nous habitent et nous sont chères et certaines lois du Québec témoignent de l’importance qu’on y accorde collectivement. Par exemple, la loi sur les normes du travail exclu de son champ d’application certaines activités de salariat fondées uniquement sur une relation d’entraide familiale ou d’entraide dans la communauté[1]. Quant à la loi sur l’aide sociale (i.e. la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles, RLRQ c A-13.1.1), elle relève du ministre de l’Emploi et de la solidarité sociale. Cette loi participe des principes qui guident la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, soit des principes de dignité et de développement et de renforcement du sentiment de solidarité dans l’ensemble de la société québécoise.

 

En juin 2007, au moment de l’annonce de certaines modifications règlementaires, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale de l’époque, M. Sam Hamad,  déclarait ce qui suit sur le fil de presse du gouvernement : «Parce que la lutte contre la pauvreté concerne l’ensemble de la société,

le gouvernement souhaite encourager les citoyens, les familles et les proches

des personnes en situation de pauvreté à s’entraider. »[2].

 

Compte tenu de ces grands principes qui émaillent tant la législation que les orientations ministérielles, comment des parents ont-ils pu être condamnés à rembourser 30,000.00$ de prestations d’aide sociale en travaillant bénévolement au commerce de leur fille ? Ces personnes auraient-elles agi de la même façon si elles avaient su que leur entraide allait en fait leur nuire ?

 

Nous pensons qu’il est essentiel que les lois, c’est-à-dire les règles qui nous gouvernent soient claires et non ambiguës afin que nos comportements et agissements ne nous soient pas ultimement reprochés comme ayant constitués une violation de la loi.

 

Il est certain que les parents qui œuvraient au commerce de leur fille, dans l’affaire révélée par le journal La presse (et dont le texte intégral se trouve ici), n’avaient nullement conscience qu’on allait éventuellement leur reprocher et leur  faire payer leurs agissements. Ce qui est particulièrement à la fois cruel et ironique dans cette affaire est ce constat que font les juges administratifs dans leur décision :

 

[33] Or, dans la présente situation, ils ne recevaient aucun revenu de la part de leur fille pour les heures passées à la boulangerie de cette dernière. Compte tenu qu’il s’agissait d’un contexte familial et, en l’absence de revenus additionnels, la présente formation considère qu’il était raisonnable pour les requérants de croire qu’ils n’avaient pas à déclarer cette situation à la partie intimée.

 

Le tribunal reconnait donc la probité des parents, constate l’absence de toute faute de leur part mais conclut du même souffle que :

 

[28] Les requérants devaient déclarer à la partie intimée qu’ils allaient travailler plusieurs heures par semaine chez leur fille, et ce, même s’ils ne prévoyaient pas recevoir de rémunération pour le faire.

 

Autrement dit selon le Tribunal, ces personnes devaient déclarer une situation qu’elles étaient par ailleurs justifiées de ne pas avoir à déclarer.

 

Ces situations d’entraide familiale qui mettent en cause des prestataires  de l’aide sociale sont nombreuses comme en témoigne la jurisprudence du Tribunal administratif. À chaque fois qu’un cas semblable est évoqué dans l’actualité on se demande si notre société est véritablement solidaire comme elle le prétend.

 

Il est malheureux que ces personnes n’aient pas été représentées par avocat devant le Tribunal administratif du Québec. Elles auraient pu faire valoir quantité d’arguments, notamment le deuxième alinéa de l’article 1 de  la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles selon lequel « La présente loi vise également à encourager les personnes à exercer des activités permettant leur insertion sociale, leur intégration en emploi et leur participation active dans la société.» ou encore, cette autre décision du TAQ, une affaire similaire où on peut lire :

 

[33]           Le Tribunal estime que le requérant et son fils n’ont pas enfreint l’esprit de la LAPF et qu’au contraire, en agissant ainsi, ils ont contribué à réduire les charges de l’état.

      



[1] Art. 3(2) de la Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1

[2] Communiqué 4639 Les dons en nature ou en services faits à une personne prestataire – Le ministre Sam Hamad favorise l’entraide et la solidarité

 

 

Print Friendly, PDF & Email