Se représentant elle-même, une dame obtient de la Cour Supérieure l’annulation d’un jugement du Tribunal administratif

Sans avocat et armée de sa seule détermination, une dame qui devait rembourser plus de 15 000 $ au gouvernement du Québec, voit cette condamnation annulée par la Cour Supérieure.  Cette dame avait parrainé un cousin en 2004 pour une période de 10 ans. Selon le contrat de parrainage, elle s’engageait à subvenir aux besoins de son parrainé et, le cas échéant, à rembourser au gouvernement les « prestations d’aide financière de dernier recours (…) conformément à la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l’emploi et la solidarité sociale » que toucherait son parrainé durant cette période de 10 ans.

 

Le parrainé ayant touché de l’aide sociale, elle se fait donc réclamer les prestations versées à ce cousin. Trouvant la situation injuste compte tenu notamment de l’attitude ingrate du parrainé à son égard, la dame conteste cette réclamation devant toutes les instances mais en vain. Déboutée devant le Tribunal administratif du Québec, elle s’adresse en désespoir de cause à la Cour Supérieure en juin 2016.  Son recours en « révision judiciaire » est un recours particulièrement difficile à  obtenir, la décision du TAQ étant « finale et sans appel ». Elle doit démontrer que cette décision du TAQ est déraisonnable, ce qui est particulièrement ardu à faire.

 

Confiant de faire aisément rejeter le recours de la dame, la Procureure générale délègue une stagiaire en droit pour la représenter dans cette affaire qui est entendue en mai 2017. Le 6 juillet 2017, le juge de la Cour Supérieure donne raison à la dame. Il annule la décision du TAQ et conséquemment, la réclamation.

 

Dans son analyse élaborée,  le juge retient que la dame n’avait qu’à rembourser les « prestations d’aide financière de dernier recours (…) conformément à la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l’emploi et la solidarité sociale » et pas autre chose. Or, compte tenu des changements législatifs apportés, le parrainé n’avait jamais touché de telles prestations; il avait plutôt touché des « prestations de dernier recours selon les dispositions de la

Loi sur l’aide aux personnes et aux familles », de telle sorte que la dame n’avait rien à rembourser.

 

Cette histoire pourrait servir de scénario à une publicité du 6-49 tant les chances que la dame obtienne gain de cause semblaient faibles. Le jugement est disponible ici.

 

Malheureusement, aux dernières nouvelles, la Procureure Générale demande à la Cour d’Appel de casser ce jugement. 

 

 

 

Print Friendly, PDF & Email

Nous dénonçons l’adoption du PL70: Quelle honte !

Projet de loi 70 : Les Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne joignent leur voix à la Coalition Objectif Dignité pour dénoncer l’adoption par l’Assemblée nationale le 10 novembre dernier du projet de loi 70. Une honte et une violation des droits fondamentaux, cette nouvelle loi est fondée sur les préjugés les plus décriés concernant les personnes prestataires de l’aide sociale. Pour plus d’information, consultez le communiqué de presse de la Coalition Objectif Dignité.

Print Friendly, PDF & Email

Mémoire PL 70: des mesures qui mèneront à une plus grande vulnérabilité des prestataires

Nous avons pris connaissance du projet de loi 70 – Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi (« projet de loi 70 »), présenté par le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale de l’époque, monsieur Sam Hamad. Nous avons été choqués de constater le décalage flagrant entre les préjugés véhiculés dans ce projet de loi et la réalité vécue par les personnes démunies avec qui et pour qui nous travaillons au quotidien.

 

Pour les raisons que nous expliquons dans notre mémoire, nous sommes en complet désaccord avec l’imposition de mesures obligatoires d’aide à l’emploi sous peine de pénalités financières. Ce projet de loi instituerait un système de travail forcé en violation avec plusieurs droits fondamentaux de la personne. Il repose de plus sur les préjugés les plus décriés concernant les personnes assistées sociales.

 

Le projet de loi 70 ne respecte pas les règles d’équité procédurale les plus élémentaires. De plus, le pouvoir de réglementation prévu au projet de loi 70 est beaucoup trop étendu de sorte que les éléments les plus importants du programme projeté demeurent à ce jour inconnus. Comme ces éléments seront établis par règlement adopté par le gouvernement, ils ne seront pas soumis à un débat parlementaire. Visant une intégration en emploi en apparence seulement, ce projet de loi aura plutôt comme conséquence inacceptable d’appauvrir encore davantage des personnes vulnérables qui vivent déjà dans des conditions d’extrême précarité.

 

Nous demandons au nouveau ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, monsieur François Blais, de retirer le projet de loi 70.

 

Pour lire le mémoire complet des Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne, suivre le lien suivant : Mémoire PL70 Services juridiques communautaires.

Print Friendly, PDF & Email

Le Tribunal administratif du Québec somme le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale de respecter ses décisions de justice !

 

Dans une décision récente, le Tribunal administratif du Québec (TAQ) fait grief à ce ministère  d’ignorer complétement sa jurisprudence et de maintenir des interprétations erronées de la loi sur l’aide sociale (Loi sur l’aide aux personnes et aux familles) qui au surplus, entretiennent la confusion et l’incertitude chez les justiciables.

 

À l’origine du litige est la qualification à apporter aux revenus générés par une fiducie testamentaire. Selon la jurisprudence unanime du TAQ, ces revenus ne sont pas comptabilisables pour une personne sur l’aide sociale (personne avec contraintes sévères bénéficiant de l’exemption de 130, 000 $ pour certains avoirs liquides).

 

Or, malgré cette interprétation unanime du TAQ, le ministère fait la sourde oreille, n’applique pas cette jurisprudence et continue, dans tous les autres cas, d’appliquer sa loi à sa guise, en  fonction de ses propres visées, au mépris des décisions de justice rendues.

 

À la lumière de ce jugement, on est en droit de se demander combien de personnes (et on parle ici de personnes gravement malades ou handicapées) n’ont pas la pleine reconnaissance de leur droit et subissent un tel  traitement à la fois injuste et  inéquitable.

 

.

 

 

 

Print Friendly, PDF & Email

Les parents qui touchent de l’aide sociale peuvent-ils venir en aide à leurs enfants ?

Cette étrange question fait suite à une nouvelle publiée récemment dans le journal La presse et intitulée « Deux assistés sociaux doivent rembourser 30 000$ pour avoir aidé leur fille ». En fait, intuitivement on estime que la réponse à cette question est sans doute oui.  Le rôle des parents n’est-il pas en effet de perpétuellement venir en aide à leurs enfants. Le code civil consacre ce principe en déclarant à l’article 599 qu’ils doivent nourrir et entretenir leur enfant.

Réciproquement, le rôle des enfants, une fois grands, n’est-il pas d’aider leurs parents (principe que consacre l’article 585 du Code civil) ?

 

Le fait de toucher de l’aide sociale y changerait-il quelque chose ? Il serait en effet choquant de réaliser que parce qu’un parent touche de l’aide sociale et n’a donc pas les moyens financiers d’aider son enfant, il ne puisse lui venir en aide autrement en faisant pour lui des tâches ou en lui rendant autrement service.

 

Cette notion de solidarité ou d’entraide familiale est pourtant clairement au cœur des valeurs qui nous habitent et nous sont chères et certaines lois du Québec témoignent de l’importance qu’on y accorde collectivement. Par exemple, la loi sur les normes du travail exclu de son champ d’application certaines activités de salariat fondées uniquement sur une relation d’entraide familiale ou d’entraide dans la communauté[1]. Quant à la loi sur l’aide sociale (i.e. la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles, RLRQ c A-13.1.1), elle relève du ministre de l’Emploi et de la solidarité sociale. Cette loi participe des principes qui guident la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, soit des principes de dignité et de développement et de renforcement du sentiment de solidarité dans l’ensemble de la société québécoise.

 

En juin 2007, au moment de l’annonce de certaines modifications règlementaires, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale de l’époque, M. Sam Hamad,  déclarait ce qui suit sur le fil de presse du gouvernement : «Parce que la lutte contre la pauvreté concerne l’ensemble de la société,

le gouvernement souhaite encourager les citoyens, les familles et les proches

des personnes en situation de pauvreté à s’entraider. »[2].

 

Compte tenu de ces grands principes qui émaillent tant la législation que les orientations ministérielles, comment des parents ont-ils pu être condamnés à rembourser 30,000.00$ de prestations d’aide sociale en travaillant bénévolement au commerce de leur fille ? Ces personnes auraient-elles agi de la même façon si elles avaient su que leur entraide allait en fait leur nuire ?

 

Nous pensons qu’il est essentiel que les lois, c’est-à-dire les règles qui nous gouvernent soient claires et non ambiguës afin que nos comportements et agissements ne nous soient pas ultimement reprochés comme ayant constitués une violation de la loi.

 

Il est certain que les parents qui œuvraient au commerce de leur fille, dans l’affaire révélée par le journal La presse (et dont le texte intégral se trouve ici), n’avaient nullement conscience qu’on allait éventuellement leur reprocher et leur  faire payer leurs agissements. Ce qui est particulièrement à la fois cruel et ironique dans cette affaire est ce constat que font les juges administratifs dans leur décision :

 

[33] Or, dans la présente situation, ils ne recevaient aucun revenu de la part de leur fille pour les heures passées à la boulangerie de cette dernière. Compte tenu qu’il s’agissait d’un contexte familial et, en l’absence de revenus additionnels, la présente formation considère qu’il était raisonnable pour les requérants de croire qu’ils n’avaient pas à déclarer cette situation à la partie intimée.

 

Le tribunal reconnait donc la probité des parents, constate l’absence de toute faute de leur part mais conclut du même souffle que :

 

[28] Les requérants devaient déclarer à la partie intimée qu’ils allaient travailler plusieurs heures par semaine chez leur fille, et ce, même s’ils ne prévoyaient pas recevoir de rémunération pour le faire.

 

Autrement dit selon le Tribunal, ces personnes devaient déclarer une situation qu’elles étaient par ailleurs justifiées de ne pas avoir à déclarer.

 

Ces situations d’entraide familiale qui mettent en cause des prestataires  de l’aide sociale sont nombreuses comme en témoigne la jurisprudence du Tribunal administratif. À chaque fois qu’un cas semblable est évoqué dans l’actualité on se demande si notre société est véritablement solidaire comme elle le prétend.

 

Il est malheureux que ces personnes n’aient pas été représentées par avocat devant le Tribunal administratif du Québec. Elles auraient pu faire valoir quantité d’arguments, notamment le deuxième alinéa de l’article 1 de  la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles selon lequel « La présente loi vise également à encourager les personnes à exercer des activités permettant leur insertion sociale, leur intégration en emploi et leur participation active dans la société.» ou encore, cette autre décision du TAQ, une affaire similaire où on peut lire :

 

[33]           Le Tribunal estime que le requérant et son fils n’ont pas enfreint l’esprit de la LAPF et qu’au contraire, en agissant ainsi, ils ont contribué à réduire les charges de l’état.

      



[1] Art. 3(2) de la Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1

[2] Communiqué 4639 Les dons en nature ou en services faits à une personne prestataire – Le ministre Sam Hamad favorise l’entraide et la solidarité

 

 

Print Friendly, PDF & Email