Dénonciation tardive d’abus sexuel et délai de prescription

Compte tenu de l’actualité qui met à l’avant-scène les abus sexuels passés non dénoncés, il est utile de rappeler certaines règles de droit qui régissent les délais de prescription. En droit, les délais de prescription sont les  délais à l’intérieur desquels une action en justice (une poursuite civile) doit être introduite sous peine de nullité. Passé le délai de prescription, l’action en justice ne peut plus être valablement introduite; il y a extinction du droit de poursuite.

 

Il existe différents délais de prescription et sans faire une analyse exhaustive de l’état du droit en la matière, nous voulons simplement rappeler que des changements importants ont été introduits en 2013 par le législateur dans ces questions de délai de prescription, particulièrement en cas d’agression sexuelle. Des changements ont été introduits d’une part dans les délais pour les poursuites civiles et d’autre part dans les délais pour faire une demande de compensation auprès de l’IVAC (l’IVAC étant l’organisme gouvernemental qui indemnise les victimes d’actes criminels).

 

Poursuite civile

 

Depuis le 23 mai 2013, le délai de prescription pour les poursuites civiles où l’on demande réparation pour une agression à caractère sexuel (ou encore, pour de la violence subie pendant l’enfance ou de la violence d’un conjoint ou d’un ancien conjoint) est passé de 3 à 30 ans. Le point de départ de cette prescription de 30 ans est le jour où la victime a connaissance que son préjudice est attribuable à cet acte.

 

Ainsi, une personne qui réaliserait en 2014 que les troubles ou préjudices qu’elle éprouve sont attribuables à une agression sexuelle subie dans le passé (peu importe l’année) pourrait valablement introduire une poursuite civile contre son agresseur pour obtenir réparation. Elle aurait en théorie jusqu’en 2044 pour intenter cette poursuite.

 

À l’opposé, une victime d’agression sexuelle qui aurait réalisé avant le 22 mai 2010 que ses troubles ou préjudices étaient attribuables à une agression passée mais qui n’aurait pas introduit de recours en justice en temps utile  (soit dans les 3 années de cette connaissance) ne pourrait plus le faire, même après l’augmentation du délai de prescription survenue le 23 mai 2013, son droit d’action en justice ayant pris fin  trois ans après cette « connaissance » ou « prise de conscience », soit avant l’entrée en vigueur du nouveau délai de prescription (voir notamment l’arrêt  F.B. c. Therrien (Succession de), 2014 QCCA 854).

 

Finalement, celle qui aurait réalisé ce lien (entre son préjudice et l’agression sexuelle) après le 22 mai 2010, pourrait intenter une poursuite maintenant (dans les 30 ans à compter de cette « connaissance » ou « prise de conscience »), cette personne possédant encore un droit d’action non éteint le 22 mai 2013, soit la veille du jour d’entrée en vigueur du nouveau délai de prescription.

 

IVAC

 

Depuis le 23 mai 2013, une victime d’acte criminel dispose de deux années à compter du moment où elle prend conscience du préjudice subi et de son lien probable avec l’acte criminel pour faire une demande d’indemnité auprès de cet organisme. Ce délai était antérieurement d’un an.

 

Difficultés de preuve en cas de passage du temps

 

Évidemment, toute la difficulté pour la victime réside notamment dans cette preuve du moment  précis où elle réalise que son préjudice est attribuable à l’agression; ce qui faisait dire à une avocate, au lendemain de l’adoption de ces modifications législatives, qu’elles  faisaient du Québec « l’une des provinces canadiennes protégeant le moins les droits civils de ses citoyens victimes d’agression sexuelle, de violence conjugale ou familiale »[1].

 

Deux poids deux mesures ?

 

Il faudrait bien qu’un jour le législateur nous explique pourquoi il a dicté, pour demander réparation d’un même préjudice, un délai de 30 ans (au civil) et un délai de 2 ans (au niveau administratif (IVAC)).

 

Dans tous les cas et compte tenu de la complexité du droit, n’hésitez pas à communiquer avec un avocat(e)  pour connaitre et faire valoir vos droits et ne prenez pas pour acquis qu’il est trop tard pour agir.

 

 


[1] Valérie Laberge, Commentaire sur le projet de loi 22, intitulé « Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, la Loi visant à favoriser le civisme et certaines dispositions du Code civil relatives à la prescription » – Les délais de prescription en matière de préjudice corporel résultant d’une infraction criminelle sont modifiés : une occasion ratée de protéger adéquatement les droits civils des victimes d’agressions sexuelles, de violence conjugale et de violence subie durant l’enfance,  EYB2013REP1400

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Rogers communications doit indemniser un ancien client pour avoir entâché son dossier de crédit

Rogers Communications est condamné à payer 2,500.00$ en dommages à un ancien client pour avoir transmis au bureau de crédit des informations fausses selon lesquelles ce client n’avait pas payé son compte. Le client en question, un avocat, prétendait ne pas devoir la somme de 60.00$ que lui réclamait Rogers à l’issue de son contrat de téléphonie cellulaire.

 

Le tribunal constate que c’est sans avoir fait les vérifications nécessaires que Rogers a communiqué des informations fausses au bureau crédit, commettant par là une faute engageant sa responsabilité.

 

La décision peut être lue ici.

 

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Les parents d’un enfant malade peuvent cohabiter sans pour autant former un couple aux yeux de l’aide sociale.

C’est ce que rappelle le Tribunal administratif du Québec dans une décision récente qui annule complètement une réclamation de plus de 28,000.00$ faite par l’Aide sociale à deux  parents d’un enfant malade qui vivaient sous le même toit. Le tribunal rappelle qu’au sens de la définition de « conjoints » contenue à la loi sur l’aide aux personnes et aux familles, une exception existe relativement aux parents d’un même enfant qui cohabitent temporairement pour des raisons en lien avec les problèmes de santé de l’enfant ou de l’un d’eux.

 

Dans cette affaire, l’enfant, tout comme la mère et son autre enfant d’ailleurs, souffraient de graves problèmes de santé. Le père avait décidé de cohabiter avec la mère pour l’unique raison de venir en aide à son enfant malade, le soutenir et le sécuriser.

 

Compte tenu de ce portrait, le tribunal donne plein effet à l’exception, retient le motif de cohabitation comme étant en lien avec la maladie de l’enfant et annule la réclamation. Dans cette affaire, la mère était représentée par un avocate des Services Juridiques Communautaires de Pointe St-Charles et Petite Bourgogne.

 

 

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Aide sociale: Le TAQ annule presqu’entièrement une réclamation fondée sur des revenus provenant de la prostitution

Dans une décision rendue le 4 novembre 2013, le TAQ (tribunal administratif du Québec) annule en très grande partie une réclamation de plus de 80,000.00$ qui pesait sur une personne assistée sociale qui avait déclaré à un enquêteur avoir vécu des revenus de la prostitution durant le temps où elle touchait des prestations d’aide sociale.  Le tribunal retient ce qui suit au sujet de cette déclaration incriminante de l’appelante:

 

[29]           Il faut cependant accepter l’argument que dans le contexte précis de notre dossier, où un montant de 84, 737,31 $ est réclamé, pour une période de 13 ans, cette déclaration mérite d’être nuancée sur l’effet de son contenu. La situation de la requérante a évolué au fils des ans, elle a vécu en Maison de transition, elle a souvent déménagé.

 

[30]           L’instabilité, semble être la principale caractéristique du parcours de la requérante : sortie de Centre de détention, consommation excessive, fréquentation de milieux marginaux, prostitution, longues périodes en Maison de réadaptation, récidives.

 

Le tribunal ajoute enfin qu’en l’espèce, les revenus de la prostitution sont des revenus de travail légaux et qu’à ce titre, ils doivent bénéficier des exemptions pour revenus de travail prévus au règlement.

 

 

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Des coupes à l’aide sociale.

Au même moment où prenait fin le sommet sur l’éducation et sans aucun avertissement préalable, la Ministre de l’Emploi et de la Solidarité Sociale, Mme Agnès Maltais,  faisait publier à la Gazette Officielle du Québec (27 février 2013, Partie 2 Gazette Officielle Du Québec, p. 653) un projet de règlement visant à modifier les règles du jeux en matière de prestations d’aide sociale.  C’est apparemment dans le  but de  renforcer l’incitation au travail et de favoriser la participation au marché du travail que la ministre s’apprête, à compter du 1er juin 2013, à diminuer les prestations d’aide sociale des personnes de 55 ans et plus et des couples ayant des enfants d’âge préscolaire. En effet, le projet de règlement proposé :

•          élimine la prestation additionnelle de 129.00$ par mois (dite pour contraintes temporaires) pour les couples ayant des enfants de moins de 5 ans (la contrainte temporaire étant  désormais réservée aux seules familles monoparentales ou aux couples dont l’autre conjoint se trouve dans une situation particulière);

•          fait passer de 55 à 58 ans, l’âge à compter duquel une personne peut toucher de plein droit cette prestation additionnelle de 129.00$ par mois.

 

Selon le projet de règlement, les personnes qui auront 55 ans à compter du 1er juin 2013 et qui feront alors une demande d’aide sociale devront attendre 3 ans (soit jusqu’au 1er juin 2016) pour enfin toucher ce supplément (des droits acquis étant prévus pour les personnes de 55 et plus touchant déjà de l’aide sociale).

 

Il est bien difficile de voir le lien rationnel qui existerait entre la promotion du travail et ces propositions de coupes à l’aide sociale. En outre, étant donné la facture de la loi actuelle sur l’aide sociale (la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles), ces coupes peuvent se faire selon une simple modification règlementaire, c’est-à-dire sans que l’Assemblée Nationale n’ait à être saisie de la question et sans qu’un véritable débat ne précède pareilles diminutions de revenus chez les plus pauvres. 

 

Le projet de règlement vient également limiter la portée de la prestation spéciale pour les séjours en désintoxication. Dorénavant, cette prestation spéciale, qui couvre les coûts d’hébergement des séjours en cure de désintoxication, serait limitée dans le temps. Elle ne serait payable que pour un maximum de deux fois par période de 12 mois et ne couvrirait pas plus que 90 jours d’hébergement au total. Présentement, il n’y a pas de telle limite quant au nombre de cures possibles ni de  limite quant à la durée des séjours, la nécessité de l’hébergement devant seulement être attestée périodiquement (aux trois mois) par un médecin.

 

Il est important de retenir que ce projet de règlement qui vise soi-disant à faire la promotion du travail est en fait un projet de règlement visant principalement à diminuer les prestations d’aide sociale.

 

Tel qu’indiqué dans la Gazette Officielle du Québec, toute personne intéressée ayant des commentaires à formuler au sujet de ce projet de règlement est priée de les faire parvenir par écrit, avant l’expiration du délai de 45 jours mentionné ci-dessus, à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 425, rue Saint-Amable, 4e étage, Québec (Québec) G1R 4Z1.

 

 

 

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