Les parents qui touchent de l’aide sociale peuvent-ils venir en aide à leurs enfants ?

Cette étrange question fait suite à une nouvelle publiée récemment dans le journal La presse et intitulée « Deux assistés sociaux doivent rembourser 30 000$ pour avoir aidé leur fille ». En fait, intuitivement on estime que la réponse à cette question est sans doute oui.  Le rôle des parents n’est-il pas en effet de perpétuellement venir en aide à leurs enfants. Le code civil consacre ce principe en déclarant à l’article 599 qu’ils doivent nourrir et entretenir leur enfant.

Réciproquement, le rôle des enfants, une fois grands, n’est-il pas d’aider leurs parents (principe que consacre l’article 585 du Code civil) ?

 

Le fait de toucher de l’aide sociale y changerait-il quelque chose ? Il serait en effet choquant de réaliser que parce qu’un parent touche de l’aide sociale et n’a donc pas les moyens financiers d’aider son enfant, il ne puisse lui venir en aide autrement en faisant pour lui des tâches ou en lui rendant autrement service.

 

Cette notion de solidarité ou d’entraide familiale est pourtant clairement au cœur des valeurs qui nous habitent et nous sont chères et certaines lois du Québec témoignent de l’importance qu’on y accorde collectivement. Par exemple, la loi sur les normes du travail exclu de son champ d’application certaines activités de salariat fondées uniquement sur une relation d’entraide familiale ou d’entraide dans la communauté[1]. Quant à la loi sur l’aide sociale (i.e. la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles, RLRQ c A-13.1.1), elle relève du ministre de l’Emploi et de la solidarité sociale. Cette loi participe des principes qui guident la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, soit des principes de dignité et de développement et de renforcement du sentiment de solidarité dans l’ensemble de la société québécoise.

 

En juin 2007, au moment de l’annonce de certaines modifications règlementaires, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale de l’époque, M. Sam Hamad,  déclarait ce qui suit sur le fil de presse du gouvernement : «Parce que la lutte contre la pauvreté concerne l’ensemble de la société,

le gouvernement souhaite encourager les citoyens, les familles et les proches

des personnes en situation de pauvreté à s’entraider. »[2].

 

Compte tenu de ces grands principes qui émaillent tant la législation que les orientations ministérielles, comment des parents ont-ils pu être condamnés à rembourser 30,000.00$ de prestations d’aide sociale en travaillant bénévolement au commerce de leur fille ? Ces personnes auraient-elles agi de la même façon si elles avaient su que leur entraide allait en fait leur nuire ?

 

Nous pensons qu’il est essentiel que les lois, c’est-à-dire les règles qui nous gouvernent soient claires et non ambiguës afin que nos comportements et agissements ne nous soient pas ultimement reprochés comme ayant constitués une violation de la loi.

 

Il est certain que les parents qui œuvraient au commerce de leur fille, dans l’affaire révélée par le journal La presse (et dont le texte intégral se trouve ici), n’avaient nullement conscience qu’on allait éventuellement leur reprocher et leur  faire payer leurs agissements. Ce qui est particulièrement à la fois cruel et ironique dans cette affaire est ce constat que font les juges administratifs dans leur décision :

 

[33] Or, dans la présente situation, ils ne recevaient aucun revenu de la part de leur fille pour les heures passées à la boulangerie de cette dernière. Compte tenu qu’il s’agissait d’un contexte familial et, en l’absence de revenus additionnels, la présente formation considère qu’il était raisonnable pour les requérants de croire qu’ils n’avaient pas à déclarer cette situation à la partie intimée.

 

Le tribunal reconnait donc la probité des parents, constate l’absence de toute faute de leur part mais conclut du même souffle que :

 

[28] Les requérants devaient déclarer à la partie intimée qu’ils allaient travailler plusieurs heures par semaine chez leur fille, et ce, même s’ils ne prévoyaient pas recevoir de rémunération pour le faire.

 

Autrement dit selon le Tribunal, ces personnes devaient déclarer une situation qu’elles étaient par ailleurs justifiées de ne pas avoir à déclarer.

 

Ces situations d’entraide familiale qui mettent en cause des prestataires  de l’aide sociale sont nombreuses comme en témoigne la jurisprudence du Tribunal administratif. À chaque fois qu’un cas semblable est évoqué dans l’actualité on se demande si notre société est véritablement solidaire comme elle le prétend.

 

Il est malheureux que ces personnes n’aient pas été représentées par avocat devant le Tribunal administratif du Québec. Elles auraient pu faire valoir quantité d’arguments, notamment le deuxième alinéa de l’article 1 de  la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles selon lequel « La présente loi vise également à encourager les personnes à exercer des activités permettant leur insertion sociale, leur intégration en emploi et leur participation active dans la société.» ou encore, cette autre décision du TAQ, une affaire similaire où on peut lire :

 

[33]           Le Tribunal estime que le requérant et son fils n’ont pas enfreint l’esprit de la LAPF et qu’au contraire, en agissant ainsi, ils ont contribué à réduire les charges de l’état.

      



[1] Art. 3(2) de la Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1

[2] Communiqué 4639 Les dons en nature ou en services faits à une personne prestataire – Le ministre Sam Hamad favorise l’entraide et la solidarité

 

 

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Des groupes dénoncent les modifications proposées à l’Aide sociale:

 

Montréal, le 5 mars 2015. Alors que Sam Hamad vient d’être nommé Ministre de l’Emploi et de la solidarité sociale, une dizaine de groupes et regroupements communautaires et le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec  l’interpelleront au sujet des modifications au règlement sur l’Aide aux personnes et aux familles qui entreront bientôt en vigueur. Les organisations invitent les médias à une conférence de presse au cours de laquelle elles présenteront les conséquences que ces modifications au règlement auront pour les personnes assistées sociales et dévoileront leurs revendications au nouveau ministre.

 

Date :          le vendredi 6 mars 2015

Heure :        11h00

Lieu :           Centre St-Pierre

1212 rue Panet, Montréal, salle 203

 

Des représentant-e-s des organisations suivantes seront présent-e-s sur place et disponibles pour des entrevues et pour répondre aux questions des journalistes :

  •  Association québécoise des centres d’intervention en dépendance (Maison l’exode)
  • Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices des drogue
  • Front commun des personnes assistées sociales du Québec (Association pour la défense des droits sociaux du Montréal métropolitain, Comité des sans-emploi de Pointe-Saint Charles, Projet Genèse, Welfare Rights Committee of South-West Montreal)
  • Ligue des droits et libertés
  • Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi
  • Regroupement des auberges du cœur
  • Réseau solidarité itinérance du Québec
  • Services juridiques communautaires de Pointe-St-Charles et Petite Bourgogne
  • Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec

Renseignements : Cathy Inouye, Projet Genèse, 514-738-2036, poste 403

 

 

Documentation:

 

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Report de la hausse des seuils d’admissibilité à l’Aide juridique !

Montréal, le 25 février 2015– C’est avec consternation que la Coalition pour l’accès à l’Aide juridique réagit à l’annonce faite ce jour par la Ministre de la Justice, Mme Stéphanie Vallée, de reporter de 7 mois la hausse des seuils d’admissibilité à l’Aide juridique qui devait normalement être effective au  1er juin 2015, conformément au règlement en ce sens qui avait été adopté en décembre 2013.

 

Cela fait plus de 30 ans qu’il y a absence d’arrimage des seuils d’admissibilité à l’Aide juridique avec le salaire minimum. La hausse des seuils qui devait finalement mettre fin à cet écart et entrer en vigueur dans 3 mois  était attendue depuis la fin de l’indexation des seuils d’admissibilité à l’Aide juridique survenue en 1982.

 

Crée en 2007, la Coalition pour l’accès à l’Aide juridique, qui regroupe une cinquantaine d’organisations préoccupées par la question de l’accès à la justice, avait pour principale revendication que l’Aide juridique soit gratuite pour une personne seule travaillant à temps plein (40h/semaine) au salaire minimum comme c’était le cas lors de la création  de l’Aide juridique en 1972.

 

La Coalition, qui avait réagi favorablement à cette hausse des seuils au moment de son annonce à l’automne 2013 (tout en déplorant le délai de 17 mois entre l’annonce  et sa mise en vigueur),  rappelle que ce rehaussement historique est d’une importance primordiale pour l’accès à la justice et que la campagne d’austérité du gouvernement actuel n’aurait jamais du compromettre cette mise à jour tant attendue d’un programme étatique essentiel.

 

La Coalition s’interroge sur les véritables motifs de ce report inopportun d’un ajustement essentiel aux seuils d’accès à l’Aide juridique. Comment le gouvernement peut-il affirmer ne pas avoir maintenant les moyens d’effectuer cette hausse mais qu’il les aura dans 7 mois ? Tout cela semble démontrer que le gouvernement est totalement aveuglé par  ce dogme de l’austérité qui dicte ses moindres décisions.

 

Ironiquement, M. Pierre Moreau, l’un des doyens actuels du gouvernement,  alors adjoint parlementaire au ministre de la Justice, écrivait ces phrases en 2005 sur l’importance de l’accès la justice :

 

« Le bilan actuel des finances publiques exige que l’État recentre son engagement en priorité sur ses missions essentielles. Mais l’accès à la justice, et surtout l’accès à une justice égale pour les plus démunis, demeure l’une des composantes fondamentales de ces missions. »[1]


SOURCE:

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Dénonciation tardive d’abus sexuel et délai de prescription

Compte tenu de l’actualité qui met à l’avant-scène les abus sexuels passés non dénoncés, il est utile de rappeler certaines règles de droit qui régissent les délais de prescription. En droit, les délais de prescription sont les  délais à l’intérieur desquels une action en justice (une poursuite civile) doit être introduite sous peine de nullité. Passé le délai de prescription, l’action en justice ne peut plus être valablement introduite; il y a extinction du droit de poursuite.

 

Il existe différents délais de prescription et sans faire une analyse exhaustive de l’état du droit en la matière, nous voulons simplement rappeler que des changements importants ont été introduits en 2013 par le législateur dans ces questions de délai de prescription, particulièrement en cas d’agression sexuelle. Des changements ont été introduits d’une part dans les délais pour les poursuites civiles et d’autre part dans les délais pour faire une demande de compensation auprès de l’IVAC (l’IVAC étant l’organisme gouvernemental qui indemnise les victimes d’actes criminels).

 

Poursuite civile

 

Depuis le 23 mai 2013, le délai de prescription pour les poursuites civiles où l’on demande réparation pour une agression à caractère sexuel (ou encore, pour de la violence subie pendant l’enfance ou de la violence d’un conjoint ou d’un ancien conjoint) est passé de 3 à 30 ans. Le point de départ de cette prescription de 30 ans est le jour où la victime a connaissance que son préjudice est attribuable à cet acte.

 

Ainsi, une personne qui réaliserait en 2014 que les troubles ou préjudices qu’elle éprouve sont attribuables à une agression sexuelle subie dans le passé (peu importe l’année) pourrait valablement introduire une poursuite civile contre son agresseur pour obtenir réparation. Elle aurait en théorie jusqu’en 2044 pour intenter cette poursuite.

 

À l’opposé, une victime d’agression sexuelle qui aurait réalisé avant le 22 mai 2010 que ses troubles ou préjudices étaient attribuables à une agression passée mais qui n’aurait pas introduit de recours en justice en temps utile  (soit dans les 3 années de cette connaissance) ne pourrait plus le faire, même après l’augmentation du délai de prescription survenue le 23 mai 2013, son droit d’action en justice ayant pris fin  trois ans après cette « connaissance » ou « prise de conscience », soit avant l’entrée en vigueur du nouveau délai de prescription (voir notamment l’arrêt  F.B. c. Therrien (Succession de), 2014 QCCA 854).

 

Finalement, celle qui aurait réalisé ce lien (entre son préjudice et l’agression sexuelle) après le 22 mai 2010, pourrait intenter une poursuite maintenant (dans les 30 ans à compter de cette « connaissance » ou « prise de conscience »), cette personne possédant encore un droit d’action non éteint le 22 mai 2013, soit la veille du jour d’entrée en vigueur du nouveau délai de prescription.

 

IVAC

 

Depuis le 23 mai 2013, une victime d’acte criminel dispose de deux années à compter du moment où elle prend conscience du préjudice subi et de son lien probable avec l’acte criminel pour faire une demande d’indemnité auprès de cet organisme. Ce délai était antérieurement d’un an.

 

Difficultés de preuve en cas de passage du temps

 

Évidemment, toute la difficulté pour la victime réside notamment dans cette preuve du moment  précis où elle réalise que son préjudice est attribuable à l’agression; ce qui faisait dire à une avocate, au lendemain de l’adoption de ces modifications législatives, qu’elles  faisaient du Québec « l’une des provinces canadiennes protégeant le moins les droits civils de ses citoyens victimes d’agression sexuelle, de violence conjugale ou familiale »[1].

 

Deux poids deux mesures ?

 

Il faudrait bien qu’un jour le législateur nous explique pourquoi il a dicté, pour demander réparation d’un même préjudice, un délai de 30 ans (au civil) et un délai de 2 ans (au niveau administratif (IVAC)).

 

Dans tous les cas et compte tenu de la complexité du droit, n’hésitez pas à communiquer avec un avocat(e)  pour connaitre et faire valoir vos droits et ne prenez pas pour acquis qu’il est trop tard pour agir.

 

 


[1] Valérie Laberge, Commentaire sur le projet de loi 22, intitulé « Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, la Loi visant à favoriser le civisme et certaines dispositions du Code civil relatives à la prescription » – Les délais de prescription en matière de préjudice corporel résultant d’une infraction criminelle sont modifiés : une occasion ratée de protéger adéquatement les droits civils des victimes d’agressions sexuelles, de violence conjugale et de violence subie durant l’enfance,  EYB2013REP1400

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Cour des Petites Créances: le seuil passe à 15 000 $

À compter du 1er janvier 2015, on pourra introduire à la Cour des Petites Créances des demandes monétaires d’un maximum de 15 000 $. Présentement, le montant maximum que l’on peut y réclamer est de 7 000 $.

 

Rappelons que la Cour des Petites Créances entend des causes civiles de différentes natures et que les parties n’ont pas le droit d’y être représentées par des avocats.

 

Cette hausse du seuil de juridiction s’appliquera de la même façon aux réclamations monétaires introduites devant la Régie du Logement.

 

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