Trois victimes d’actes criminels toujours pénalisées par l’aide sociale

Montréal, 26 septembre 2017 – À la suite d’une audition ayant fait les manchettes en juin 2017, une décision du Tribunal administratif du Québec (TAQ) confirme que les trois victimes d’actes criminels qui sont prestataires de l’aide sociale ne pourront pas conserver leurs indemnités. Une injustice qui a assez duré, s’indignent des groupes communautaires.

 

« L’état reconnaît la nécessité d’indemniser les victimes, mais lorsque celles-ci sont ou se retrouvent à l’aide sociale en raison d’un traumatisme, elles se font couper leurs prestations. C’est injuste dans la mesure où les autres personnes conserveraient leurs revenus. C’est un réel deux poids deux mesures », souligne Yann Tremblay-Marcotte du Front commun des personnes assistées sociales du Québec.

 

De plus, il est à noter qu’une victime prestataire d’aide sociale qui reçoit une indemnité de 100 000$ d’un coup ne sera pas nécessairement coupée; ce n’est que lorsque l’IVAC décide de verser les indemnités sous forme d’une rente mensuelle que l’aide sociale les considère comme un revenu.

 

Les trois victimes ayant contesté la coupure de leurs prestations ont mandaté Me Manuel Johnson, avocat aux services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne, pour porter la décision du TAQ en révision judiciaire devant la Cour supérieure.

 

« Après avoir survécu à un vol à main armée et, une année plus tard, à des voies de fait à la suite d’un vol de véhicule, je me suis retrouvé dans l’incapacité de travailler et j’ai dû prendre de l’aide sociale. J’avais besoin des indemnités pour payer des médicaments et des soins psychologiques, mais l’aide sociale à tout gardé »,  a déclaré Monsieur Volodomir Sapojnikov.

Cette situation est inacceptable, les groupes soussignés demandent au ministre Blais de procéder à des changements réglementaires afin de mettre fin à cette injustice. Bien que les requérants considèrent leurs arguments juridiques solides et bien fondés, il sera préférable de clarifier la loi et de donner des directives claires aux fonctionnaires chargés de son application dès maintenant, plutôt qu’attendre possiblement des années avant que les tribunaux corrigent le tir.

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Information
Yann Tremblay-Marcotte
Front commun des personnes assistées sociales du Québec
514-577-3279 ou sol@fcpasq.qc.ca
Aussi signataires :

Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS)
Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale
Fédération des maisons d’hébergement pour femmes

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Fibromyalgie et abus vécus à l’enfance : une cliente obtient gain de cause devant le T.A.Q.

Par une décision en date du 10 février 2015, une cliente des Services juridiques communautaires de Pointe Saint-Charles et Petite Bourgogne a réussi, devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ), à faire reconnaître le lien de causalité entre sa maladie de fibromyalgie et des abus physiques et sexuels qu’elle a subis entre l’âge de 3 et 13 ans. Ainsi, elle a eu droit à une indemnité importante.

La fibromyalgie cause des douleurs musculaires diffuses qui peuvent toucher tout le corps. Elle est souvent accompagnée par la fatigue chronique et de troubles de sommeil et peut perturber de façon importante les activités de la vie quotidienne et le travail des personnes atteintes. La science la décrit comme une « maladie neuroendocrinienne prenant origine au sein du système nerveux » mais ne peut pas préciser avec certitude sa cause (ou étiologie). Nonobstant cela, nous savons que la fibromyalgie peut être liée à des traumatismes. Des victimes d’accidents d’automobile et de travail ont réussi à se faire indemniser pour la fibromyalgie, mais, généralement, les tribunaux sont réticents à reconnaître le lien de causalité si l’apparition de la maladie survient plus de deux ans après l’événement traumatique.

Notre cliente a démontré, selon la prépondérance de probabilités, que sa fibromyalgie, diagnostiquée définitivement en 2009, est liée aux mauvais traitements, abus et traumatismes qu’elle a vécus entre les années 1976 et 1986, soit plus de vingt ans avant son diagnostic définitif et sa réclamation auprès de l’Indemnisation des victimes des actes criminels (IVAC).

Le Procureur général du Québec (PGQ), défendant le refus de l’IVAC d’indemniser la requérante, a fait témoigner un médecin-expert, qui, bien que reconnaissant qu’ « il est probable que les agressions survenues durant l’enfance de madame doivent être considérées comme des facteurs de risques relatifs à l’apparition de la fibromyalgie à l’âge adulte », refusait d’établir un « lien causal direct ». Pour l’expert engagé par le PGQ, établir un lien causal serait impossible, puisque, selon la science, « l’étiologie de ce syndrome demeure inconnue actuellement. »

Le Tribunal a rejeté cette approche, suivant les enseignements de la Courd’appel dans l’affaire Viger (2000 QCCA 4083 CanLII), qui rappelle aux tribunaux administratifs que c’est une erreur de droit que d’exiger une preuve « ayant la rigueur d’une preuve scientifique plutôt qu’une preuve prépondérante traditionnellement acceptée en matière de responsabilité civile. »

En l’espèce, le Tribunal estime que l’expert engagé par le PGQ « a témoigné de la causalité scientifique de la fibromyalgie. »

Quant au délai d’apparition, les juges administratifs concluent, au paragraphe 40 de leur décision, que le long délai entre les abus et le diagnostic n’est pas fatal au recours de la requérante : « Le Tribunal ne croit pas qu’il faille écarter la relation entre la fibromyalgie et les abus vécus à l’enfance en raison du fait que le diagnostic a été posé en 2000, ou au plus tard en 2009. Dr. Richer indique dans son rapport que la fibromyalgie est habituellement diagnostiquée à l’âge de 30 ans (la majorité entre 30 et 40 ans). Exiger que, dans le cas de la requérante, le diagnostic ait été posé dans l’enfance ou à l’adolescence pour établir la relation est irréaliste et va à l’encontre des connaissances médicales. »

Ayant reconnu le lien de causalité, le Tribunal refuse la demande du Procureur général de retourner le dossier à l’IVAC pour la détermination du pourcentage de déficit-anatomophysiologique (DAP) en lien avec la fibromyalgie : « Retourner le dossier à l’IVAC pour qu’elle statue sur cette question apporte un allongement néfaste des délais d’indemnisation des victimes comme l’a expriméla Cour d’appel. »

Le Tribunal détermine que la requérante conserve un taux d’incapacité permanente de 50% en lien avec la fibromyalgie, ainsi que de 18% en lien avec ses séquelles psychologiques, pour un taux global de 68% alors que l’IVAC ne reconnaissait qu’un taux de 9% pour les séquelles psychologiques.

Cette victoire de notre cliente, survenue plus de 6 ans après sa demande initiale d’indemnisation, nous semble importante car nous n’avons pas repéré d’autres cas dans la jurisprudence des tribunaux québécois où le lien de causalité entre la fibromyalgie et des abus sexuels survenus à l’enfance a été reconnu après débat juridique. Dans une autre affaire (S.P. c. P.G.Q.et C.S.S.T. (I.V.A.C.), 2011 QCTAQ 04550), le TAQ a déclaré que l’IVAC, par ses agissements et son traitement du dossier, avait déjà reconnu un lien de causalité entre des abus survenus dans l’enfance et la fibromyalgie, mais le débat concernant la causalité en tant que telle n’avait pas eu lieu devant le Tribunal.

Cette décision n’effacera jamais les horreurs que notre cliente a vécues; elle lui permettra toutefois, espérons-le, de retrouver un peu de dignité et d’espoir.

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La LIVAC : « trop généreuse », vraiment?

La Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels[1], édictée en 1972,

est une loi à caractère hautement social qui a pour objectif de réparer les

conséquences de certains actes criminels impliquant la violence pour les

victimes qui remplissent les critères d’admissibilité déterminés par le

législateur. Reconnaissant que « le crime contre la personne est un risque

social dont les conséquences devraient être assumées par la collectivité [2] »,

le régime d’indemnisation offre des indemnités de remplacement du

revenu, des indemnités pour les séquelles permanentes, de l’assistance

médicale, le remboursement de certains frais et la réadaptation sociale et

professionnelle (art. 5 LIVAC).

 

La LIVAC a subi des modifications souhaitables, mais mineures, en 2013.

Il s’agissait de modifications attendues depuis fort longtemps : la dernière

réforme de la loi datait de 1978! Malheureusement, les modifications

apportées en 2013 (concernant le délai pour introduire une réclamation, le

remboursement de frais funéraires et le remboursement de frais liés à une

résiliation de bail en vertu de l’article 1974.1 du Code civil du Québec

(C.c.Q.)[3]) ont laissé les victimes – notamment les victimes de la violence

intrafamiliale et sexuelle – sur leur faim.

 

Des intervenants et des juristes qui étudient ces questions réclament une

réforme en profondeur de la LIVAC, qui, selon eux, est peu adaptée aux

circonstances particulières de certaines victimes. Selon Me Louise

Langevin, auteure de nombreux articles sur les aspects juridiques de la

violence intrafamiliale, « [a]u lieu de procéder à des modifications

mineures de la LIVAC, le gouvernement devrait réviser en profondeur la loi

pour moderniser son langage et éliminer les aspects problématiques qui

sont incompatibles avec un modèle d’indemnisation du risque social qui

constitue la violence intrafamiliale [4] ». Nous proposons de regarder ici les

principales lacunes de la loi, qui l’empêchent de remplir pleinement son

objectif social et qui font que les victimes sont trop souvent laissées à ellesmêmes

ou doivent subir, parfois pour la deuxième fois (suite au procès

criminel de leurs agresseurs), des reviviscences douloureuses qui nuisent à

leur réadaptation sociale.

 

Pour comprendre pourquoi des intervenants auprès des femmes en

difficulté – tels que la Fédération de ressources d’hébergement pour

femmes violentées et en difficulté du Québec et le Regroupement des

maisons pour femmes victimes de violence conjugale – réclament avec

autant d’insistance une réforme en profondeur de la loi, il suffit de jeter un

coup d’oeil sur les statistiques concernant les réclamations auprès de

l’IVAC. Selon le Rapport annuel d’activité de 2013 de l’IVAC, 67 % des

réclamations acceptées proviennent des femmes [5]. Les principaux actes

criminels commis sont les voies de fait et les crimes à caractère sexuel, qui

représentent, à eux seuls, 63 % des crimes pour lesquels la demande de

prestations a été acceptée [6]. Ce sont des crimes commis, encore une fois,

principalement à l’égard des femmes : 72 % des réclamations acceptées

pour voies de fait en 2013 proviennent des femmes, ainsi que 84 % des

réclamations pour des crimes à caractère sexuel [7].

 

Il est important de souligner le fait que ce ne sont pas toutes les victimes de

crimes qui sont éligibles aux indemnités et services de réadaptation de

l’IVAC. Les crimes ouvrant la porte à l’indemnisation se trouvent à

l’annexe de la loi; il s’agit de crimes contre la personne tels que voies de

fait (art. 266 du Code criminel [8]), agression sexuelle (art. 271 C.Cr.), inceste

(art. 155 C.Cr.). Par contre, d’autres crimes pouvant causer des blessures de

nature psychologique, comme le harcèlement criminel (art. 264 C.Cr.), les

menaces de mort (art. 264.1 C.Cr.) ou l’intimidation (art. 423 C.Cr.), ne

sont pas « indemnisables », étant exclus de l’annexe. L’exclusion de ces

crimes de l’annexe de la loi a un effet disproportionné sur les femmes :

selon Statistique Canada, en 2011, 76 % des victimes de harcèlement

criminel rapporté à la police étaient des femmes9. Ces victimes n’ont aucun

accès aux indemnités et aux mesures de réadaptation de l’IVAC.

 

La lacune principale de la loi concerne le délai de réclamation. Pour être

éligibles aux bénéfices de la loi, les victimes des crimes se trouvant à

l’annexe de la loi doivent faire leur réclamation dans les deux ans de la

manifestation des dommages découlant de leurs blessures (art. 11 LIVAC).

Notons que, selon la jurisprudence, ce délai n’est pas un délai de

prescription ou de déchéance. Il s’agit plutôt d’un « simple laps de temps

au terme duquel peut naître une présomption de renonciation» aux

avantages de la loi [10]. La victime peut renverser cette présomption en

établissant, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne pouvait pas

faire sa réclamation plus tôt pour des motifs raisonnables. Contrairement

aux règles de prescription, la victime n’a pas à démontrer une impossibilité

d’agir. Malheureusement, les décideurs au Bureau de révision

administrative de l’IVAC et même parfois au Tribunal administratif du

Québec n’interprètent pas toujours cette nuance de la même façon. Nous y

reviendrons.

 

Ce délai n’était qu’un an avant la modification effectuée par le projet de loi

n° 22 [11], qui est entré en vigueur le 23 mai 2013. La modification du délai

était réclamée pour tenir compte des circonstances particulières des

victimes de violence conjugale, d’agression sexuelle et d’abus sexuels

subis pendant l’enfance. Me Langevin explique bien les difficultés que ces

personnes ont à « briser le silence », dans son témoignage devant la

Commission des institutions de l’Assemblée nationale (livré dans le cadre

des consultations sur les modifications de la LIVAC) [12]:

 

[…] Ces victimes apprennent à vivre avec un secret qui leur est imposé par la société ou leur famille. Elles peuvent tenter d’oublier leur expérience traumatisante. Elles sont souvent incapables de se considérer comme des victimes ou encore d’en parler parce qu’elles ont peur, peur de l’agresseur, elles ont honte, elles se sentent responsables ou ne veulent pas briser leur famille. Ainsi, plusieurs années peuvent s’écouler avant qu’elles mesurent le préjudice subi ou qu’elles se confient. […]

 

L’appréciation de la preuve prépondérante qui permet de renverser la

présomption à l’article 11 LIVAC laisse une marge considérable de

discrétion aux décideurs. Souvent, on demande aux victimes de démontrer

qu’elles n’étaient pas en mesure de gérer tous les aspects de leur vie

pendant toute la période du délai entre la manifestation des dommages et la

réclamation (ce qui revient à leur imposer un fardeau plus élevé

d’impossibilité d’agir). Certains décideurs requièrent une preuve d’un

grand désordre psychologique pour renverser la présomption de

renonciation aux bénéfices de la loi. Par exemple, dans une décision

récente impliquant une longue série d’agressions par un policier de

Longueuil (dont la victime était, cette fois-ci, un homme), le tribunal a

estimé que le fait que le requérant travailait pendant des années avant de

faire sa réclamation démontrait qu’il était en mesure de faire sa réclamation

plus tôt et qu’il avait renoncé aux bénéfices de la loi [13].

 

Pourtant, une victime rongée par la honte et un sentiment de culpabilité

pourrait très bien se réfugier dans le travail, comme on se réfugie dans la

drogue, pour éviter d’affronter ses blessures intérieures, ce que le requérant

en l’espèce avait fait, s’exposant à plusieurs « burnouts » au passage. Ce

n’était qu’après sa dénonciation à la police et sa réclamation à l’IVAC que

tout son passé douloureux est revenu à la surface; depuis sa réclamation, il

n’est plus capable de travailler. Sa requête étant rejetée par le tribunal pour

les motifs du hors-délai, il ne bénéficie d’aucun soutien de l’IVAC, et ce,

même si le tribunal «ne remet aucunement en doute la véracité des propos

tenus par le requérant concernant les agressions dont il a été victime et les

conséquences qui en découlent [14] ».

 

Le fardeau de démontrer qu’on n’a pas renoncé aux bénéfices de la loi en

raison du délai peut être lourd; pire, il met les victimes dans une position

d’avoir à justifier de nouveau leur statut de victime. Plusieurs victimes que

nous avons défendues au TAQ ont exprimé le sentiment d’être vues comme

la « coupable » qui voulait « profiter du système ». Dans un contexte où les

victimes d’agression sexuelle et de la violence intrafamiliale ont

énormément de difficulté à dénoncer leurs agresseurs et à chercher de

l’aide, les délais imposés par la LIVAC constituent des obstacles

supplémentaires qui découragent plusieurs. Trop de victimes abandonnent

tout simplement leurs réclamations face au refus initial de l’IVAC, n’ayant

pas la force de vivre un deuxième processus judiciaire [15].

 

Pour ces raisons, Me Langevin et les regroupements de ressources pour

femmes en difficulté revendiquent qu’aucun délai de réclamation ne soit

imposé aux victimes d’agression sexuelle ou de la violence intrafamiliale.

Après tout, au plan pénal, il n’y a aucune prescription pour ces crimes. Et

le Code civil du Québec contient désormais une prescription de 30 ans pour

les poursuites civiles pour la violence subie dans l’enfance, la violence

conjugale et les agressions sexuelles (art. 2926.1 C.C.Q.). En ce qui

concerne ces victimes, quel objectif de justice sociale est atteint par la

présomption de renonciation aux bénéfices de la loi contenue à l’article 11

LIVAC?

 

Malheureusement, le gouvernement actuel semble peu sensible à ces

considérations : selon un article apparu dans La Presse le 18 septembre

2014 [16], on serait plutôt en train d’envisager « une réduction importante des

coûts » du régime. Dans ces circonstances, il y a lieu de s’inquiéter des

conséquences pour les personnes les plus vulnérables – les victimes

d’agression sexuelle et de la violence intrafamiliale – d’une « réduction

importante » des coûts d’un régime qui ne répond déjà pas aux besoins des

victimes.

 

Manuel Johnson, avocat

Services juridiques communautaires de Pointe Saint-Charles et Petite Bourgogne

 

______________________________________

[1] RLRQ, c. I-6, ci-après nommée «LIVAC».

[2] Isabelle Doyon et Katherine Lippel. L’indemnisation des victimes d’actes criminels : une analyse jurisprudentielle. Cowansville : Y. Blais, 2000. P. 12.

[3] «Art. 1974.1. Un locataire peut résilier le bail en cours si, en raison de la violence d’un conjoint ou d’un ancien conjoint ou en raison d’une agression à caractère sexuel, même par un tiers, sa sécurité ou celle d’un enfant qui habite avec lui est menacée. […]»

[4] Louise Langevin. Consultations particulières portant sur le Projet de loi n°22, Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes des actes criminels : mémoire. Université Laval, 27 mars 2013. P. 5 [en ligne] : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/CI/mandats/Mandat-22503/memoires-deposes.html

[5] Québec (prov.). Commission de la santé et de la sécurité du travail. Rapport annuel d’activité 2013 : IVAC. Montréal : la Commission, 2014. 30 p. [en ligne] :

http://www.ivac.qc.ca/PDF/Rapport_annuel_IVAC_2013.pdf, à la p. 17.

[6] Ibid.

[7] Inceste, rapport sexuel avec une personne en situation d’autorité, agression sexuelle armée et agression sexuelle grave.

[8] L.R.C. 1985, c. C-46, ci-après nommée «C.Cr.».

[9] Canada. Statistique Canada. « Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques », diffusé le 25 février 2013 [en ligne] : http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2013001/article/11766-fra.pdf

[10] Sauveteurs et victimes d’actes criminels — 1 (C.A.S., 1994-11-07), SOQUIJ AZ-95051000, [1995] C.A.S. 1

[11] Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, la Loi visant à favoriser le civisme et certaines dispositions du Code civil relatives à la prescription (L.Q. 2013, c. 8).

[12] Québec. Assemblée nationale. Journal des débats. Comité des institutions. Volume 43, n° 28, 27 mars 2013.

[13] R.C. c. Procureur général du Québec, (T.A.Q., 2014-08-06), 2014 QCTAQ 07746, SOQUIJ AZ-51101170, paragr. 66.

[14] Id., paragr. 38.

[15] Fédération de ressources d’hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec. Actualiser la loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels afin de mieux reconnaître les besoins des victimes : quelques recommandations. Mémoire présenté à la Commission des institutions concernant le projet de loi 22 : Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, mars 2013, p. 10

[en ligne].

16 Denis Lessard. «L’aide aux victimes d’actes criminels revue», La Presse, [Montréal] (18 septembre 2014) [en ligne] : http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201409/18/01-4801257-laide-aux-victimes-dactes-criminels-revue.php

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Dénonciation tardive d’abus sexuel et délai de prescription

Compte tenu de l’actualité qui met à l’avant-scène les abus sexuels passés non dénoncés, il est utile de rappeler certaines règles de droit qui régissent les délais de prescription. En droit, les délais de prescription sont les  délais à l’intérieur desquels une action en justice (une poursuite civile) doit être introduite sous peine de nullité. Passé le délai de prescription, l’action en justice ne peut plus être valablement introduite; il y a extinction du droit de poursuite.

 

Il existe différents délais de prescription et sans faire une analyse exhaustive de l’état du droit en la matière, nous voulons simplement rappeler que des changements importants ont été introduits en 2013 par le législateur dans ces questions de délai de prescription, particulièrement en cas d’agression sexuelle. Des changements ont été introduits d’une part dans les délais pour les poursuites civiles et d’autre part dans les délais pour faire une demande de compensation auprès de l’IVAC (l’IVAC étant l’organisme gouvernemental qui indemnise les victimes d’actes criminels).

 

Poursuite civile

 

Depuis le 23 mai 2013, le délai de prescription pour les poursuites civiles où l’on demande réparation pour une agression à caractère sexuel (ou encore, pour de la violence subie pendant l’enfance ou de la violence d’un conjoint ou d’un ancien conjoint) est passé de 3 à 30 ans. Le point de départ de cette prescription de 30 ans est le jour où la victime a connaissance que son préjudice est attribuable à cet acte.

 

Ainsi, une personne qui réaliserait en 2014 que les troubles ou préjudices qu’elle éprouve sont attribuables à une agression sexuelle subie dans le passé (peu importe l’année) pourrait valablement introduire une poursuite civile contre son agresseur pour obtenir réparation. Elle aurait en théorie jusqu’en 2044 pour intenter cette poursuite.

 

À l’opposé, une victime d’agression sexuelle qui aurait réalisé avant le 22 mai 2010 que ses troubles ou préjudices étaient attribuables à une agression passée mais qui n’aurait pas introduit de recours en justice en temps utile  (soit dans les 3 années de cette connaissance) ne pourrait plus le faire, même après l’augmentation du délai de prescription survenue le 23 mai 2013, son droit d’action en justice ayant pris fin  trois ans après cette « connaissance » ou « prise de conscience », soit avant l’entrée en vigueur du nouveau délai de prescription (voir notamment l’arrêt  F.B. c. Therrien (Succession de), 2014 QCCA 854).

 

Finalement, celle qui aurait réalisé ce lien (entre son préjudice et l’agression sexuelle) après le 22 mai 2010, pourrait intenter une poursuite maintenant (dans les 30 ans à compter de cette « connaissance » ou « prise de conscience »), cette personne possédant encore un droit d’action non éteint le 22 mai 2013, soit la veille du jour d’entrée en vigueur du nouveau délai de prescription.

 

IVAC

 

Depuis le 23 mai 2013, une victime d’acte criminel dispose de deux années à compter du moment où elle prend conscience du préjudice subi et de son lien probable avec l’acte criminel pour faire une demande d’indemnité auprès de cet organisme. Ce délai était antérieurement d’un an.

 

Difficultés de preuve en cas de passage du temps

 

Évidemment, toute la difficulté pour la victime réside notamment dans cette preuve du moment  précis où elle réalise que son préjudice est attribuable à l’agression; ce qui faisait dire à une avocate, au lendemain de l’adoption de ces modifications législatives, qu’elles  faisaient du Québec « l’une des provinces canadiennes protégeant le moins les droits civils de ses citoyens victimes d’agression sexuelle, de violence conjugale ou familiale »[1].

 

Deux poids deux mesures ?

 

Il faudrait bien qu’un jour le législateur nous explique pourquoi il a dicté, pour demander réparation d’un même préjudice, un délai de 30 ans (au civil) et un délai de 2 ans (au niveau administratif (IVAC)).

 

Dans tous les cas et compte tenu de la complexité du droit, n’hésitez pas à communiquer avec un avocat(e)  pour connaitre et faire valoir vos droits et ne prenez pas pour acquis qu’il est trop tard pour agir.

 

 


[1] Valérie Laberge, Commentaire sur le projet de loi 22, intitulé « Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, la Loi visant à favoriser le civisme et certaines dispositions du Code civil relatives à la prescription » – Les délais de prescription en matière de préjudice corporel résultant d’une infraction criminelle sont modifiés : une occasion ratée de protéger adéquatement les droits civils des victimes d’agressions sexuelles, de violence conjugale et de violence subie durant l’enfance,  EYB2013REP1400

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